Tunisie – Elections : Hichem Meddeb, « La Tunisie ne sera pas l’Algérie des années 90 »

 Tunisie – Elections : Hichem Meddeb, « La Tunisie ne sera pas l’Algérie des années 90 »

Hichem Meddeb

Sans doute l’un des plus anciens blogueurs français encore en activité, Tristan Mendès-France, petit-fils de Pierre Mendès-France, a fondé Blogtrotters.fr dès 2006. Nous avons profité de sa présence en Tunisie pour co-interviewer avec lui l’extrêmement sollicité Hichem Meddeb, porte-parole du ministère de l’Intérieur. Celui-ci a accepté de nous livrer sans langue de bois son pressentiment à la veille d’un scrutin historique pour le pays, véritable casse-tête sécuritaire demain 23 octobre et au-delà.

C’est un homme iconoclaste qui a accepté de nous recevoir à son bureau jeudi après-midi malgré un emploi du temps surchargé. Le charismatique Hichem Meddeb, colonel de police, en devenant porte-parole du ministère le plus haï du pays, a voulu lui insuffler une image résolument nouvelle.

Ainsi, l’institution la plus représentative jadis des dérives de l’ancien régime autoritaire essaye tant bien que mal de faire peau neuve par le biais d’une nouvelle génération d’officiers au franc-parler parfois surprenant. D’où la liberté de ton dont jouit Hichem Meddeb, l’homme incarnant le plus le nouveau visage de la « dakhilya ». Plus encore que dans les médias locaux, l’homme a répondu sans détours à toutes nos questions (voir vidéo).

Nous avons d’abord voulu savoir s’il était inquiet pour cet ultime vendredi test, littéralement à la veille des élections, où la tension est à son comble entre le camp des jeunes laïques et celui des salafistes déterminés à répondre aux marches du mouvement « A3ta9ni ». D’un ton serein il nous confie d’abord hors caméra que « seulement 2 brigades sur les 40 dont disposent les forces de l’ordre seront nécessaires à mobiliser aujourd’hui, tout comme cela fut le cas aux abords de la Kasbah vendredi dernier, lorsqu’une manifestation salafiste a été dispersée sans faire de dégâts majeurs ».

Concernant la mouvance salafiste elle-même, il pense que leur nombre est surestimé par les médias. « Ils représentent 6 à 8 % des forces politiques et seront dilués dans un grand ensemble » estime-t-il. « Il s’agit de 2 000 à 3 000 individus », nous confiera-t-il en off plus tard, ajoutant sur le ton de la plaisanterie qu’ « il y en a sûrement bien plus en France ». « Le peuple tunisien est différent du peuple algérien frère », conclut-il dans une allusion à la victoire du FIS en 1990 (188 sièges sur 231, soit près de 82%).

Lorsque le créateur de Blogtrotters, Tristan Mendès-France, très engagé du temps de Ben Ali dans le soutien aux opposants politiques tunisiens, demande à Meddeb des précisions sur les ex tristement célèbres geôles du ministère de l’Intérieur, celui-ci nous assure que beaucoup de légendes ont été créées autour de ces cellules et que la torture avait lieu ailleurs que dans ces locaux, certes sordides, où s’entassaient jusqu’à 25 personnes à la fois.

Manifestement à la page s’agissant de politique internationale, le haut officier insiste sur le fait que les tensions potentielles pendant la campagne entre formations politiques antagonistes dans leurs projets de société respectifs sont symptomatiques d’une démocratie saine. Il relativise enfin en nous assurant qu’ils « ne sont pas plus graves que les incidents opposant régulièrement les militants d’extrême droite en France aux autres partis ».

Quant à savoir comment le puissant appareil policier encore en place accueillerait les résultats de l’élection de la Constituante, l’homme affirme qu’elles accepteront le résultat quel qu’il soit, en veillant à ce que la transition démocratique se passe de façon exemplaire.

Dans ce qui est certainement l’un de ses derniers discours en tant que Premier ministre, Béji Caïd Essebsi a déclaré hier 20 octobre que « La passation des pouvoirs entre le gouvernement de transition et le nouveau gouvernement ne se fera pas avant le 9 novembre. » Soit une vingtaine de jours à venir sous haute tension qui seront une épreuve sécuritaire sans précédent pour l’armée et la police tunisiennes.

Seif Soudani

Seif Soudani