Tunisie. Lâché par ses blogueurs, Ennahdha met de l’eau dans son vin

 Tunisie. Lâché par ses blogueurs, Ennahdha met de l’eau dans son vin

Après les scissions internes au CPR et les démissions collectives au FDTL

Ce n’est pas la première fois qu’Ennahdha recule suite à des effets d’annonce officieux. Après les atermoiements politiciens sur les prérogatives de Jebali, survenus à l’intérieur de l’Assemblée, cette fois la reculade du parti islamiste fait suite à un mécontentement hors opposition, au sein-même de sa base. Signe qui ne trompe pas quant à ce désamour soudain : les défections en chaîne parmi les faiseurs d’opinion de la blogosphère tunisienne pro islamiste.

Rien ne va plus ces derniers temps en Tunisie au sein d’une troïka majoritaire qui peine toujours à se partager le gâteau du pouvoir, en portefeuilles ministériels équitablement répartis.

Après les scissions internes au CPR et les démissions collectives au FDTL, c’est au tour d’Ennahdha d’être contaminé par un certain désenchantement de ses militants d’hier. Ceux-là mêmes qui pensaient avoir voté pour un parti de la rupture se réveillent avec la gueule de bois.

Il semble que la coupe est pleine après la double annonce d’un gouvernement jugé excessivement élargi d’une cinquantaine de ministres, et celle du maintien de figures controversées. Hamadi Jebali a eu beau rassurer l’opinion dimanche en promettant que la liste définitive était attendue pour aujourd’hui lundi, que le gouvernement ne compterait plus que 48 ministres et secrétaires d’Etat, et que ses membres renonceront à une partie de leurs salaires, le mal est fait et la confiance durablement entamée.

Volte-faces en série

Branle-bas de combat dans la galaxie des blogueurs étiquetés pro Ennahdha. Hier figurant parmi les soutiens de taille à la campagne électorale nahdhaoui sur le web, de nombreux vidéo-blogueurs utilisent depuis peu un langage menaçant, étrangement similaire à celui employé jadis contre la dictature de Ben Ali.

Signe que la dynamique révolutionnaire est encore de mise même chez les jeunes conservateurs, ils n’ont pas attendu longtemps pour appeler cette fois à la désobéissance en amont.

Autre objet de controverse au cœur de la contestation de ces « repentis », le maintien au sein du nouveau gouvernement d’un figure polémique, le pourtant démissionnaire ministre de l’Intérieur Habib Essid.

Il est la bête noire des jeunes d’Ennahdha pour les avoir durement réprimés en septembre dernier, lors de la manifestation dite de la Kasbah 3, en sus d’une carrière politique passée en partie dans l’ex RCD. Il n’en fallait pas plus pour que ceux-ci se sentent trahis.

Quelques exemples :

Avant : http://www.youtube.com/watch?v=Q5ljn4BUktU

https://www.facebook.com/a3ti.rayek/posts/228101547230645

https://www.facebook.com/video/video.php?v=194698097280453

 

Après : http://www.youtube.com/watch?v=Pdjvl91-iKE

http://www.youtube.com/watch?v=9X-cSP7ObVA

https://www.facebook.com/video/video.php?v=203358639747732

 

Vers un retour du népotisme ?

Autre grief plus largement émis au sein de la société civile, les rumeurs persistantes de la nomination de gendres des deux plus hauts dignitaires d’Ennahdha à des postes clés du futur pouvoir.

Ainsi, quasiment confirmée par Samir Dilou porte-parole d’Ennahdha, la nomination imminente de Rafik Abdessalem, gendre de Rached Ghannouchi et ex cadre d’Al Jazeera TV, comme ministre des Affaires étrangères, semble acquise.

Hamadi Jebali compterait aussi soumettre la candidature de son gendre à la direction de la Banque centrale, une institution financière hautement sensible, devant rester indépendante selon ses propres employés qui protestent déjà contre une dérive népotique.

C’est donc un nouveau pouvoir plus que jamais sur la défensive, se sachant attendu au tournant, qui annoncera dans le courant de la journée du lundi 19 la composition d’un gouvernement de transition, sous pression avant même de prendre forme. Le train de vie de ses membres sera particulièrement scruté en cette période d’austérité tous azimuts.

Seif Soudani

Seif Soudani