Tunisie – Les manifestations anti Nessma dégénèrent en émeutes

 Tunisie – Les manifestations anti Nessma dégénèrent en émeutes

Les drapeaux noirs aux inscriptions religieuses que l’on voit habituellement chez le parti d’ultra droite Ettahrir étaient légion. Photo AFP

Comme prévu, mais aussi vraisemblablement comme voulu, les manifestations anti Nessma TV de la journée d’hier vendredi 14 octobre ont très vite dérapé en violences, contre les forces de l’ordre, contre les infrastructures de la capitale et les passants, mais aussi et surtout contre la démocratie et l’intérêt du pays, à une semaine à peine des élections de la Constituante.

De mémoire de Tunisien, le dispositif policier et militaire mis en place hier aux abords des points stratégiques de la capitale était du jamais vu. Dès la matinée du vendredi, les brigades d’intervention de la police nationale quadrillaient la Kasbah qui abrite notamment le ministère de la Culture, particulièrement visé à en croire les tracts distribués la veille par les organisateurs salafistes de la manifestation. Mais les bus entiers de policiers anti émeutes n’ont pas impressionné les milliers de manifestants déchaînés à la sortie de la prière.

Si le noyau dur des instigateurs de la croisade anti Nessma sont salafistes, la manifestation aura entraîné bon nombre de passants parmi les étudiants, les lycéens et plus simplement les passants, eux aussi visiblement galvanisés par une volonté de « défendre dieu et les valeurs islamiques bafouées par la chaîne mécréante » qu’ils disent tous vouloir voir interdite d’antenne désormais. La configuration des participants à cette inquisition était donc hétéroclite malgré l’unicité du message : environ un tiers de salafistes, un tiers de militants islamistes, le tiers restant étant constitué de simples citoyens pieux et zélés, ainsi que des casseurs venus en découdre.

Obscurantisme et Superstition

Les slogans étaient d’autant moins équivoques : le symbole de la chaîne était détourné pour représenter Satan, certains manifestants se disaient mandatés par le divin, et les drapeaux noirs aux inscriptions religieuses que l’on voit habituellement chez le parti d’ultra droite Ettahrir étaient légion.

Très vite, dès 15h00, les premiers gaz lacrymogènes sont tirés sur une foule compacte qui voulait faire le forcing et défier les forces de l’ordre, en engageant d’interminables et violentes négociations en vue soit de rallier la police aux manifestants, soit de lui demander de s’écarter de son chemin. Des jets de pierre font beaucoup de dégâts parmi voitures et passants.

Le soir-même dans les médias, le porte-parole du ministère de l’Intérieur Hichem Meddeb voulait se montrer conciliant, en minimisant la gravité des troubles causés. Une volonté affichée d’apaisement peu crédible au regard des diverses destructions constatées par nous-mêmes en fin de journée, dont le saccage de la maison de Nabil Karoui, PDG de Nessma, par une centaine d’individus armés massés devant sa résidence de la Soukra (20 d’entre eux ont pu y pénétrer et 5 ont été arrêtés par la police).

Une TV nationale qui sombre dans le populisme

Il est à noter que la couverture des évènements par la rédaction de la TV nationale lors de son JT était surprenante de partialité, cachant mal un biais en faveur des manifestants, avec des commentaires d’une teneur étonnamment véhémente contre ce qu’elle qualifie d’« usage disproportionné de la force contre des manifestations pacifistes », et de « cette chaîne en question », ne daignant même plus prononcer le nom de leurs confrères de Nessma TV.

Angélisme, naïveté ou incompétence ? Quoi qu’il en soit la chaîne persiste et signe dans sa ligne éditoriale non neutre, hier organe de propagande de l’ex régime, aujourd’hui très complaisante à l’égard de l’islam politique en général.

Demain dimanche promet d’être une nouvelle journée test, le mouvement anti intégriste « Aatakni » ayant obtenu l’autorisation pour une marche à laquelle plus de 5000 personnes ont promis de participer selon les organisateurs.

Seif Soudani

Seif Soudani