Poésie – Nostalgie quand tu nous tiens

 Poésie – Nostalgie quand tu nous tiens

« Miscellanées » de Lemnouar Benali, aux édition HAL.

La poésie sauvera-t-elle vraiment le monde ? Poésie et réalités coronatiques font-elles bon ménage ? Depuis des siècles, les poètes ont scruté les souffrances humaines avec la précision d’un chirurgien, tantôt pour faire l’ablation d’une souffrance réelle, tantôt pour dénoncer les angoisses exagérées d’une société chouchoutée par le confort d’un monde technologique factice. Et si ce satané virus qui bouscule les certitudes d’un monde aseptisé était l’occasion de replonger dans la poésie pour y respirer la liberté ?

 

La cacophonie sanitaire, intellectuelle, spirituelle et morale, signe d’une défaite qui ne dit pas son nom devant un ennemi invisible est paradoxalement aussi le temps de revoir ses fondamentaux en matière de poésie du monde.

Pour ce, je me suis amusé à plonger dans la parole des poètes, qu’ils soient anciens, nouveaux, qu’ils soient célèbres ou d’illustres inconnus pour sortir du carcan des certitudes et retrouver une représentation du réel, qui se fout des convenances, qui brocarde le prêt-à-penser caractéristique de notre époque.

C’est justement dans un recueil de poèmes qui sonne comme une insurrection du lexique que j’ai ressenti cette force du verbe qui explicite un monde si complexe.

Dans les « Miscellanées », publié par les éditions HAL, le poète, qui est aussi artiste, livre sans fard ses émotions, des pans d’histoires personnelles et ses états d’âme, quelques années avant cette année noire où le Covid 19 a fait sa redoutable apparition.

Dans les poèmes de Lemnouar Benali, il y a quelque chose de prémonitoire. Dans « le vide et le silence », on apprend que « Quand le vide règne dans le désert, C’est bien là qu’il convient de prendre l’air ». Et si « disparaît l’horrible et méchant ennui, Alors vers le ciel montent nos pensées, Parmi les étoiles, se mettent à danser, commencent alors les causeries, Lorsque l’horizon pointe le beau soleil ».

Si « l’art est le moyen par lequel la conscience devient conscience de soi », quoi de mieux que la poésie pour faire prendre conscience de la complexité du monde qui nous entoure ? Le coronavirus a bouleversé nos certitudes comme il a mis fin à ce « ronronnement » d’idées reçues et de préjugés concernant la suprématie d’un monde moderne hyperconnecté qui se targuait, il y a juste quelque temps de cela, d’être presque arrivé à rendre l’homme immortel !

Et c’est justement le rôle des poètes (rôle qui était dévolu autrefois aux mejdoubs et aux fous du roi) de dire sa vérité à ce prétentieux mortel qui n’a pas encore saisi l’inanité de ses efforts pour pousser vers le sommet, ce rocher de Sisyphe qui, de toutes les façons, retombera inexorablement pour glisser jusqu’au fond.

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Abdellatif El Azizi