« Randonnée PJJ » – Épisode 5

 « Randonnée PJJ » – Épisode 5

Des jeunes suivis par la PJJ, en randonnée dans les Alpes, vendredi 15-07-2022. Crédit photo : Nadir Dendoune

Avec Fofana, on n’y croyait plus. On commençait même à être dans le rejet de ce gamin parce que nous aussi, parfois on a nos limites. Chaque jour, à chaque étape, il fallait le harceler pour qu’il avance.

 

Ça en devenait psychologiquement compliqué ces encouragements à répétition. Et son refus quotidien de manger. Et de la sale ambiance qu’il mettait dans le groupe. A tel point qu’on regrettait presque de l’avoir embarqué avec nous. Et aujourd’hui, le miracle a eu lieu.

Ce vendredi matin, Fofana s’est levé. Il souriait. Ça changeait de sa tronche de cimetière habituelle. Il a mangé. Des céréales, un bol de chocolat au lait, il a avalé un verre de jus d’orange. Il était prêt pour cette journée de marche.

On a quitté le refuge à 9h du matin. On avait une longue montée vers le Col de Voza et Fofana s’est placé aux avant-postes. Et pour la première fois, il a grimpé sans se plaindre. Il était positif. Et on avait presque envie de le prendre dans nos bras.

La pente était ardue et le soleil cognait en toute liberté. Et pourtant, tout le monde suivait. On marchait en file indienne. L’un derrière l’autre. En groupe. Une cordée ordonnée. C’était une journée paisible. Irréelle. Un pur moment de montagne. Du bonheur à perte de vue.

Et les jeunes discutaient entre eux. Ils se chambraient « en souplesse », sans insultes, avec bienveillance. Ils s’échangeaient les gourdes, s’encourageaient. Ils étaient heureux d’être là. Ils vivaient le moment présent.

A un moment, sur le bord du chemin, une maisonnette semblait perdue. Moussa hésita à aller demander de l’eau fraîche à un monsieur qui se tenait près de la porte d’entrée. Il revint quelques minutes plus tard avec un grand sourire aux lèvres : « Je croyais pas qu’il allait me remplir ma gourde. Les gens sont vraiment gentils ici ». Puis vint le temps des confidences.

Ryiad : « Depuis que je suis ici, je suis moins triste, moins en colère aussi. Avant de partir, j’étais pas bien car j’avais beaucoup de problèmes. Ici, j’ai aimé respirer l’air frais. Je me suis vidé la tête et j’oublie tout. J’ai pu vivre sans téléphone. Avant j’avais des mollets mais ils ne me servaient à rien, maintenant je sais à quoi ils servent. Et Quand je rentre à Paris, je ne ferai que marcher ».

Les langues se déliaient une à une. La pudeur disparaissait comme après une 30e séance de psy.

Moussa enchaînait : « Il faut du temps pour s’habituer à marcher. Depuis que je suis ici, je connais les noms des animaux de la montagne. Pour une première fois, c’était un peu dur mais à force de marcher, j’ai pris l’habitude. Le premier jour, j’ai filmé les cascades et j’ai pris des photos que j’ai envoyées à ma famille pour qu’ils puissent voir ce que j’ai fait « .

Même Adama pourtant très silencieux depuis le début du séjour s’en donna à cœur joie : « J’adore la montagne. Je crois que je pourrais venir vivre ici. Aujourd’hui, je suis très fier du groupe car ils ont réussi à grimper sans stress. C’est pas tout le monde qui peut supporter la marche, il faut le mental. »

Aujourd’hui, le groupe des jeunes hommes de la PJJ est arrivé ensemble au refuge du Fioux. Et il n’y a aucun mot qui pourrait définir la beauté de l’endroit. Fofana a été le premier à ranger son sac dans sa chambre puis il a demandé une feuille et un stylo. Et il a écrit. Et il a accepté qu’on lise.

Ça parlait des siens. De la colère et de l’amour. Ça disait tout le mal que lui avait fait son père : « Si j’avais eu un papa présent, j’aurais eu une autre vie ». Et tout le bien qu’il pensait de sa maman. « Un jour, je serai un grand homme comme ma mère ». Puis, il s’est mis à chialer.

Catherine la propriétaire est venue s’asseoir à ses côtés, parce que parfois le hasard fait bien les choses. Fofana, lui, a parlé de ses beaux yeux bleus, elle lui a répondu qu’il avait un air malicieux. Elle lui a raconté son voyage à Paris, à Versailles, à Fontainebleau, au Louvre et à la Tour Eiffel, il lui a dit : « Vous avez fait plus que moi qui vit à Paris ».

C’était un autre Fofana qu’on avait sous les yeux. Et rien que pour ça, ce voyage était une réussite. Puis, Catherine et Fofana sont allés dresser quelques assiettes. Serge, son mari, a tiré une tronche d’étonnement. En 30 ans, c’était bien la première fois que Catherine invitait quelqu’un dans sa cuisine.

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Nadir Dendoune