« Je vais faire le ramadan pour la première fois cette année », Karine 49 ans

 « Je vais faire le ramadan pour la première fois cette année », Karine 49 ans

Minaret de la mosquée de Paris. CHRISTOPHE LEHENAFF / PHOTONONSTOP / AFP


Alors que le ramadan débute dans quelques jours, nous avons décidé de donner la parole à quatre musulmans. Deux d'entre eux jeûnent pour la première fois, les deux autres reprennent leurs pratiques après avoir arrêté pendant plusieurs années. Voici leurs témoignages. 


Badry, 33 ans, habitant d'Athis Mons (91) chef d'entreprise. 


"Avant, je ne le faisais pas. Je ne m'en cachais pas d'ailleurs. Je mangeais même devant mes parents qui eux le faisaient. J'ai grandi dans une famille archi tolérante. Il m'ont toujours laissé le choix de pratiquer ou non la religion. Plusieurs fois, j'ai voulu 

le faire parce que spirituellement, je commençais à me sentir en phase avec l'islam, mais je n'avais pas encore suffisamment la foi pour franchir le pas. 


Et puis, il y a eu un élément déclencheur.  Je me suis pacsé avec une française "pure bretonne" catholique. C'est le premier ramadan qu'on passe ensemble. Le faire c'est ma façon de lui montrer qui je suis réellement pour à l'intérieur. Je ne veux pas lui mentir. J'ai beau boire de l'alcool de temps à autre, je reste musulman. Je suis fier d'être musulman. Faire le ramadan, c'est en quelque sorte marquer mon territoire". 


Lina, 49 ans, habitante de Nancy, manager dans le secteur de la restauration.  


"Je suis issue d'une famille de confession musulmane mais qui n'a  jamais obligé leurs enfants à jeûner. Malgré mes convictions et ma foi en Dieu, ma vie professionnelle et personnelle n'étaient pas en adéquation avec les actes obligatoires que préconise la religion, dont le ramadan. Durant mon existence, j'ai jeûné quelques temps occasionnellement puis arrêté pour de bon.


Cette année, j'ai décidé de jeûner de nouveau et j'espère que je trouverai la force de faire le ramadan tous les ans. Pour réussir, il faut de la volonté, un peu comme gravir une montagne. Il faut aussi avoir une conscience". 


Karine, 48 ans, éducatrice, habitante des Mureaux (78). 



"Je fais le ramadan pour la première fois cette année. Tout d'abord, je ne fais pas le ramadan pour prendre conscience de Dieu ou par acte d'adoration, c'est plutôt un ressenti présent, l'envie de jeûner. Il y a sans doute une partie consciente et une partie inconsciente.


Pour la partie consciente, la maturité acquise me donne à penser que c'est un retour sur soi, la recherche d'un état spirituel permettant de sortir des habitudes pour créer une relation harmonieuse entre le corps et l'âme. Pour la partie inconsciente, étant d'origine algérienne, je n'échappe pas à cette période qui pour moi correspond à une très longue période d'observation et de questionnement.


Je ne comprends pas la rupture du ramadan par cette orgie de nourriture. Il n'y a aucune sobriété alors que l'idée est de goûter à la faim et non à la gloutonnerie ! Finalement je crois que je m'interroge surtout sur la bonne façon de rompre le ramadan, à savoir sur l'état d'esprit  de ce moment et ce qu'il convient de mettre sur la table ! Il me semble surtout que cette période de jeûne doit être un acte secret et intérieur". 



Malika, 54 ans, enseignante, habitante d'Athis Mons (91). 



"J'ai arrêté de faire le ramadan il y a 12 ans, je le refais cette année. Après le décès de mon mari, j'avais une telle colère en moi qui m'empêchait de faire le jeûne. Non que je me sois éloignée de Dieu, mais cette plénitude qui m'habitait avant, avait disparu, pour faire place à un vide que je ne parvenais plus à combler en jeûnant. Je n'ai jamais reçu d'éducation religieuse. Mes parents kabyles, non plus.


Quand nous étions petits, seule ma mère faisait le ramadan, personne ne priait à la maison et l'appel du muezzin à la radio était remplacé par les chansons de Slimane Azem ou Idir. Nous ne mangions pas de porc mais nous ne savions pas pourquoi. Un jour mon père m'a répondu que si je mangeais du porc, à ma mort, un cochon me dévorerait. Pendant des années, ses paroles m'ont hantée. Et quand j'ai compris que mon père m'avait menti, par dépit et colère, j'ai mangé du jambon !


Des années plus tard, j'ai rencontré mon mari. Il était moitié Kabyle, moitié Chti. Nous avons rencontré une femme qui nous a parlé de la religion musulmane. Une femme extraordinaire, d'une bonté et d'une générosité incroyable. Mon mari et moi avons lu le Coran. Chaque soir, pendant le ramadan, nous lisions des versets et essayions de les comprendre, en en tirant ce qu'il y avait de plus beau, de bienveillant, de généreux. Après le décès de mon mari, j'ai été longtemps en colère, ne comprenant pas pourquoi un être aussi gentil et généreux m'avait été ôté et dans de telles souffrances. Le cancer est un fléau. Aujourd'hui, je me reconstruis. Je tâche de comprendre, mais pour le moment, mes actes sont ma priorité.


Le ramadan est trop important pour que je le fasse par habitude, sans conviction. Quand j'entends autour de moi, des gens qui médisent et se vantent de faire le ramadan, je suis en colère. Je suis souvent en colère quand je vois toute cette profusion de denrées chez certains, à la rupture du jeûne. Je suis dépitée quand j'entends ceux qui se plaignent à longueur de journée car ils ont soif ou faim et qui n'attendant pas la fin de la prière marquant la rupture du jeûne, se jettent sur le verre de lait et ne pensent qu'à leur estomac. Ce n'est pas ainsi que je conçois le ramadan. Je le fais avec humanité, bienveillance, patience et bonté". 


Nadir Dendoune

Nadir Dendoune