Issam Bouha : « Nous demandons juste à SAUVER DES VIES »

 Issam Bouha : « Nous demandons juste à SAUVER DES VIES »

Issam Bouha


Outre le corps médical qui traite les patients atteints du Covid-19 dans les hôpitaux  ou à domicile, une autre catégorie des professionnels de santé, tels que les pharmaciens, baignent eux-aussi dans un climat anxiogène face à cette pandémie. Issam Bouha, pharmacien à Paris 18 et Secrétaire général du Syndicat de pharmaciens, l’UPRP, nous raconte la gestion de la crise de l’intérieur, sa position concernant les travaux du professeur Didier Raoult, ou encore les aspects politiques et financiers qui se trament derrière une crise sanitaire. Entretien.


LCDL : En tant que pharmacien, comment vivez-vous la crise sanitaire à laquelle nous faisons face aujourd’hui ?


Issam Bouha : Il est très difficile d’être soignant sur le terrain aujourd’hui et rester calme et patient face aux diverses situations : le non respect du confinement, des patients positifs au Covid-19, des patients angoissés qui deviennent psys à force de paniquer, des patients agressifs, des risques de braquage et de cambriolage. A cela s’ajoutent les informations contradictoires scientifiques ou politiques. La situation pour les professionnels de santé sur le terrain est très confuse et à la fois, on n’a pas le droit de fléchir et d’avoir peur. Il faut y aller et tenir coûte que coûte. 


Pensez-vous être suffisamment protégés pour vous prémunir contre le Covid-19, en tant que professionnels de santé ? 


La prétention des pharmaciens est la même que celle des médecins et des autres soignants, et suit la même procédure chez tout le monde. Mais il est difficile de répondre à la question parce que simplement on ne connaît pas suffisamment ce virus dont on constate surtout la contagiosité énorme. Demander plus de moyens pour se protéger en plus de ce que nous avons ? Lesquels ? Je dirais que les professionnels de santé sont protégés selon les connaissances que nous avons jusqu’à présent sur les virus.


Comment voyez-vous la gestion de l'Etat par rapport aux structures sanitaires ?


La gestion est globalement correcte en dehors de certaines défaillances territoriales, vu l’hétérogénéité des degrés de propagation du virus et le nombre des personnes atteintes d’une région à une autre. En dehors des retards de livraison de masques pour la population, la gestion de l’état des structures sanitaires est à son maximum et exemplaire. La saturation des structures est étroitement liée au nombre d’arrivées en détresse respiratoire, qui est tributaire du nombre de personnes infectées faute de confinement, de respect des gestes barrières, et de la distanciation demandée depuis des semaines. 


Quels sont les problèmes auxquels vous faites face aujourd'hui quant au réapprovisionnement de vos stocks ?


La demande de certains produits était telle et forte que la demande dépasse de loin l’offre que les fournisseurs aujourd’hui arrivent difficilement à satisfaire pour réapprovisionner le marché. Même si la demande est en diminution et revenue à la normale suite au confinement. Il faut souligner aussi les effets pervers de la délocalisation à outrance vers la Chine et l’Asie pour la fabrication afin de réduire les coûts de production, ce qui pousse désormais les Etats à revoir leur feuille de route. Cette dépendance naïve et facile risque de leur coûter très cher… Cette crise du Covid-19 a inexorablement démontré que l’économie et la croissance tant prônés par le capital ne sauvent pas la santé, en revanche le contraire est garanti… A bon entendeur.


On parle beaucoup de chloroquine aujourd’hui. Quelle est votre position concernant le travail du professeur Raoult ?


Ce dossier est très épineux, ayant plusieurs volets. Le volet scientifique qui ne fait aucun doute sur une certaine efficacité, mais à vérifier encore par des études plus élaborées sur la chloroquine et ses dérivés, en association avec l’azithromycine. La première étude portait uniquement sur 24 cas avec 6 cas écartés pour abandon de l’étude, ainsi que deux décès. Actuellement, une autre étude portant sur 701 personnes donne plus de clarté, avec un seul décès.


Quid des autres volets ? 


Le deuxième volet est politique et financier, le dossier portant sur la rivalité de l’IHU avec l’INSERM. Ce n’est plus un secret pour personne et cela finira tôt ou tard par un débat devant la justice. D’un autre côté, le laboratoire GILEAD veut à tout prix commercialiser un nouveau antiviral très coûteux et très plébiscité par plusieurs membres du Haut comité scientifique. De quoi se poser des questions !


Que pensez-vous de cela ? 


Tout cela n’est ni clair ni sérieux, je pense qu’il faut dans un premier temps remonter à la source initiale de ce virus, parce que l’on peut trouver des explications dans le fondement du problème. Je note juste que Wuhan abrite le seul laboratoire P4 de Chine accrédité par la France en 2017 ! Comme les 30 laboratoires P4 dans le monde, dont la moitié est aux USA. Que s’est-il réellement passé à Wuhan ? La cohabitation avec les chauves-souris ne date pas d’hier, sachant que ces espèces cultivent plus de 30 types de coronavirus. Pourquoi cela se déclenche que maintenant ?


Quel est le fin mot de l’histoire ?


Je dirais que nous les petits professionnels de santé, au milieu de cette rivalité entre professeurs et chercheurs, nous demandons juste à SAUVER DES VIES, et agir rapidement de façon rationnelle, en dehors de l'aspect financier ou capitaliste. 

Malika El Kettani