L’Ile-Saint-Denis. Le courageux témoignage de Laëtitia atteinte du Coronavirus

 L’Ile-Saint-Denis. Le courageux témoignage de Laëtitia atteinte du Coronavirus

Illustration du coronavirus. Martin Bertrand / Hans Lucas / AFP


"J’ai gardé le secret pendant longtemps, comme si j’avais fauté. Enfin, à part mes très proches, je n'ai rien dit à personne. Mais ce soir, je vais vous en parler."


"Moi aussi, j’ai attrapé le Coronavirus. Il se peut que ce soit en allant voir le docteur Ouanounou, mais en vrai, je ne le saurai jamais, parce que ce virus est partout, sur nos bouches, nos vêtements, sur les poignées des portes… et la seule façon de ne pas le choper aujourd’hui, c’est de rester à la maison.


"Encore trop de gens, dans notre ville, minimise cette maladie. Moi, ça fait plus de 15 jours que je ne sors pas. Je vis chez moi, recluse, moi, dans ma pièce, mes deux enfants et mon mari dans les autres parties de l’appartement. C’est dur de ne plus toucher les gens que tu aimes. Mais je m'accroche en pensant à l'après. Quand nous pourrons de nouveau vivre comme avant.


"Ce soir, ça va mieux. Le gros de la maladie est derrière moi, enfin, je veux le croire. Je tousse moins, j'ai moins de fièvre. 


"Dimanche 15 mars, ce fut ma première journée de toux. J'ai eu peur. Comme jamais auparavant. Les jours ont suivi, d’autres symptômes sont arrivés : entre courbatures et maux de tête, je sentais la maladie s'installer.


"Ce 15 mars, inquiète, j' ai appelé mon docteur en visio. Il me demande alors de surveiller ma respiration. Je ne dis rien, je cache tout, surtout à ma mère qui croit à une petite toux.


"Je vis une semaine d'angoisse extrême. Plusieurs fois dans la journée, je sens mon cœur s'accélérer à une vitesse foudroyante. Je me sens oppressée.


"Au huitième jour, l’inquiétude est à son comble alors que mon état s'aggrave. Je tousse de plus en plus, j'ai froid, j'ai mal partout, à toutes les parties de mon corps. Le jour d'après, j'ai de la fièvre, 39 !


"J'appelle le 15, ils apprennent que je suis asthmatique et que je fais partie des cas qui peuvent s'aggraver. Manquait plus que ça ! Je dois rester confinée dans ma chambre au repos et au moindre problème respiratoire, j'ai l'obligation de les rappeler.


"Les minutes s'éternisent. Il est 2 h du matin, je frissonne, la nausée, 39.5 de fièvre. Je vous jure qu'il y a eu ce moment où j'ai cru que c'était fini. J'ai alors prié Dieu ! Cette peur de ne plus revoir mes enfants, mon mari, ma mère, mes sœurs, mes amis…


"Au 11e jour de la maladie, aucune amélioration. En plus des courbatures, je dois gérer les pertes de l’odorat et du goût… En plus d'être très triste, mon inquiétude grandit quand j’apprends que le beau père de mon amie Sophia décède du Coronavirus.


"Mon mari, puis ma belle-mère se relaient à mon chevet. Zacharie fait des pieds et des mains pour aller me chercher de l'huile de Nigel, une huile qui aide à soulager les maux.


"Deux semaines après les premiers symptômes, je vais mieux. Ma fièvre a baissé, je tousse moins mais ma boule d'angoisse n'a pas bougé elle…


"Durant ces quinze jours interminables, j'ai pensé très fort, à chaque instant, à mon frère Laurent, à mon papa. J’ai gardé le secret pendant longtemps, comme si j’avais fauté. Ma mère, je l'ai épargnée par amour, pour ne pas qu'elle s'inquiète, elle qui a tellement souffert.


"Alors, je vous en supplie : ne sortez pas, parce que même si votre corps survit à cette épreuve, le moral en prend un sacré coup".

Nadir Dendoune