Ghani Yalouz : « Il faut croire en ses rêves »

 Ghani Yalouz : « Il faut croire en ses rêves »

(crédit photo Stéphane Kempinaire/KMSP/DPPI/AFP)


MAGAZINE JANVIER 2018


Nommé, en mars, directeur général de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), l’ancien lutteur français le plus récompensé à l’international, détenteur d’une dizaine de médailles aux championnats du monde, d’Europe et aux JO, revient sur son parcours hors norme et sur ses nouvelles responsabilités au sein du temple sportif français. 


Il y a vingt et un ans, vous avez été sacré vice-champion de lutte gréco-romaine aux Jeux olympiques d’Atlanta. Pourquoi avoir choisi ce sport ?


Mon père était entraîneur de foot au Maroc. J’ai donc commencé par la pratique du ballon rond. Mais la dépendance au collectif ne me convenait pas. Je me suis alors orienté vers une discipline individuelle. “Il y a un sport où tu n’as pas d’excuse à trouver, et où tu n’as pas à dépendre des autres, c’est le sport de combat”, disait Lino Ventura, qui fut champion d’Europe de lutte avant de bifurquer vers le cinéma. J’ai choisi de suivre les traces de mon grand frère en pratiquant la lutte dans le club renommé de Besançon, dans le Doubs. Les résultats sont ­arrivés très rapidement. En à peine un an, je suis devenu champion de France. Je me suis énormément retrouvé dans ce sport, car je savais que je travaillais pour moi. Si je perdais, c’était de ma faute. Et si je gagnais, c’est que j’avais fait du bon boulot avec mon entraîneur et tous ceux qui m’entouraient. La gloire a plusieurs pères, mais la défaite est orpheline…


 


Parmi vos nombreuses victoires, laquelle vous a le plus marqué ?


La plus importante a été mon titre de champion de France (en 1986, ndlr). J’étais chez moi, à Besançon, dans mon Palais des sports, dans mon quartier, dans ma ville. Me retrouver sur le tapis, puis sur le podium, combattre avec autour de moi mes amis, ma famille, mon boulanger, mon prof de maths ou d’anglais… c’était une expérience exceptionnelle. Le lien avec le public était extraordinaire. Certes, la pression était énorme, mais mes parents, mes deux frères, tous ceux qui me soutenaient depuis toujours étaient là, à m’encourager avec ferveur dans les tribunes pleines à craquer. Je me devais de gagner. Et puis surtout, il y avait ma maman…


 


De lutteur professionnel, vous êtes devenu directeur technique national de la Fédération française de lutte, puis de celle d’athlétisme (6 podiums aux JO de Rio et 41 médailles lors des championnats européens de 2010 et 2014), avant d’être nommé à la tête de l’Insep. Comment expliquez-vous ce parcours ?


Dans le sport de haut niveau, on a une marge d’une dizaine d’années de carrière. Il est donc primordial de penser au futur. Pour ce faire, et malgré le rythme infernal que cela implique, il est essentiel de conduire un double projet, alliant carrière sportive et études. Grâce à mon environnement, à ma mère, professeure de français, et à des rencontres humaines enrichissantes, j’ai pris conscience qu’il fallait que je prépare mon avenir. Il y a une vie après le sport. Et ce futur j’ai voulu le consacrer à transmettre ma passion. J’ai donc troqué ma tenue de sportif contre celle d’éducateur, puis de manager des équipes. La plus belle générosité est de prendre du temps pour partager, échanger… C’est ce que je m’efforce de faire au quotidien.


 


Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est l’Insep et quelles sont ses missions ?


L’Insep est un pré-village – et un privilège – olympique et paralympique, où tous les sportifs, quelle que soit leur discipline, leur culture ou leur histoire, se ­côtoient et s’entraident. C’est une sorte de grande famille qui a vocation à accompagner les talents en leur permettant de s’entraîner, de se former, d’étudier, de se soigner ou encore de préparer leur reconversion professionnelle. L’établissement est doté d’un savoir-faire extraordinaire, mais trop souvent ignoré. On s’efforce donc de “faire savoir notre savoir-faire”. Notre objectif est que la grande majorité des sportifs potentiellement médaillables passent par chez nous.


 


Quelles sont vos missions spécifiques au sein de l’établissement ?


Au départ, je ne voyais que le côté “performances”. La ligne directrice de l’Insep est effectivement l’accompagnement vers la haute performance, mais, derrière chaque résultat, il y a toute une équipe qui œuvre d’arrache-pied, le plus souvent dans l’ombre. Je veux donc que le travail de chacun (sportifs, masseurs, kinés, chercheurs, diététiciens…) soit reconnu. Je me bats aussi pour l’égalité femmes-hommes. Difficile pari, mais c’est plutôt bien parti… Un autre de mes objectifs est de faire connaître l’institut, de l’ouvrir aux associations, aux enfants, de valoriser les athlètes qui sont ici et de favoriser le devoir de mémoire. Je ne peux pas concevoir qu’une Marie-José Perec (triple championne olympique sur 400 et 200 mètres, ndlr) ou qu’un Jean Galfione (champion olympique du saut à la perche, ndlr) ne soient pas là. Les champions, on ne les laisse pas partir, car ils sont en capacité de transmettre.


 


Comment avez-vous accueilli la nomination de Paris pour les JO 2024 ?


Voir le plus grand événement sportif planétaire s’organiser sur notre territoire, ce n’est que du bonheur ! Les athlètes du monde entier vont se croiser, échanger, se soutenir et s’affronter en plein cœur de Paris. Une belle occasion de faire vibrer la population française. Mais, avant cela, il y a les JO de 2020 à Tokyo. Un indicateur précieux pour identifier nos failles et nos talents. Le sport français, à l’instar de l’équipe d’athlétisme ou de handball, a le vent en poupe. Soyons positifs ! On a des rêves et on peut les réaliser. Renaud Lavillenie (saut à la perche, ndlr) ou Yohann Diniz (marche athlétique, ndlr) en sont les preuves vivantes.


 


Un message à adresser aux jeunes sportifs et peut-être futurs champions de demain ?


Il faut croire en ses rêves, on finit toujours par les ­réaliser… avec du travail. Les seules limites sont celles qu’on se fixe. Il ne faut donc pas en avoir et toujours viser plus haut ! Il faut aussi porter l’amour du maillot de l’équipe de France. Pour moi, la France est l’une des plus belles terres d’accueil au monde. Rien que pour ça, je l’aime et je l’aimerai toujours. Le maillot n’est pas une récompense, c’est une responsabilité, celle de devoir tout donner. Tu as le droit de perdre, mais tu dois avoir livré le maximum. Il n’y aura pas de miracle, mais il peut y avoir de bonnes surprises…  

Jonas GUINFOLLEAU