Fuir la guerre à tout prix pour ses enfants

 Fuir la guerre à tout prix pour ses enfants

Depuis le début de l’année


En mars 2011 débutait une répression sanglante des premières manifestations pacifiques de contestation du pouvoir syrien. Quatre ans et demi plus tard, le conflit a fait entre 200 000 et 300 000 morts selon les sources, et quatre millions de Syriens ont fui le pays. La majorité a trouvé refuge dans les camps installés dans les pays voisins, mais un nombre croissant tente de gagner l’Europe au péril de leur vie.


 


Vers la Grèce et l’Europe


« Si ce n'était pas pour les filles, je n'aurais jamais pris ce bateau » : Nada, 33 ans, Syrienne, son mari et leurs trois enfants font partie des 124 000 migrants arrivés en Grèce cette année, à leurs risques et périls. Il y a cinq nuits, ils ont fait la périlleuse traversée en canot pneumatique qui sépare la Turquie de la Grèce. Il y a un mois à peine, ils avaient quitté leur ville d'Alep dévastée.


« Nous avons tout risqué pour qu'elles aient un avenir », dit la mère en regardant jouer sur la plage les fillettes, âgées tout au plus d'une dizaine d'années. L'accueil à Kos n'a rien de riant. La police de l'île s'est sombrement illustrée la semaine dernière en étant filmée deux jours consécutifs en train de maltraiter des migrants.


 


Fuir les bombes à tout prix


Nada, son mari et les petites doivent dormir sous la tente en attendant de gagner Athènes, et, de là, l'Europe du Nord. Mais ils sont heureux que les enfants aient échappé au pire. « Encore aujourd'hui, elles pleurent et elles hurlent de peur chaque fois qu'elles entendent un bruit fort, elles craignent que ce soit un bombardement », raconte la mère, tee-shirt rose et voile lilas. « Mais elles ont retrouvé leur rire, et elles se sont remises à jouer. Au moins, la guerre est derrière nous maintenant », se réjouit-elle.


Nisreen, une brunette toute timide, dit qu'elle veut être médecin plus tard. Vian, un peu plus bavarde, voudrait être danseuse. « J'aimerais que leurs rêves se réalisent. En Syrie, ce ne serait pas possible », reconnaît Nada. Pour l'instant, seule Vian se rappelle ses cauchemars : « Une nuit, quand on était encore à Alep, j'ai rêvé que l'armée entrait dans la maison et nous enlevait ». Il faudra longtemps à tous ces enfants pour retrouver le sens de la normalité, estime l'association caritative Save the Children.


 


Les enfants premières victimes du conflit


Beaucoup de ces enfants syriens ne sont pas allés à l'école depuis plusieurs années, et ont grandi trop vite, perdant leur enfance en essayant de soutenir leurs parents. Pour Sarah Tyler, « ils doivent retrouver un sentiment de normalité », avec des endroits pour jouer et apprendre.


« Ils ont aussi besoin de soutien psychologique », ajoute-t-elle, car certains sont devenus agressifs, tandis que d'autres ont simplement besoin de communiquer ce qu'ils ressentent. Mais avec des familles qui ne cessent de changer de place, et un accueil grec réduit au strict minimum, les enfants n'ont reçu que quelques jouets, albums à colorier et crayons de couleur donnés par les touristes et les habitants.


Nisreen, 34 ans, qui est également arrivée d'Alep à Kos par la Turquie, avec son mari et leurs deux enfants, dit que la guerre a eu un impact psychologique massif sur ses petits garçons âgés de six et quatre ans. « La guerre, ils l'ont dans le sang à présent, ils ne jouent qu'à ça. Il fallait que je les sorte de Syrie, je suis venue en Europe pour eux », remarque-t-elle. Elle s'inquiète de les voir s'affronter avec des petites cuillères et des crayons, en imitant le bruit des mitraillettes et des explosions.


Selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), la moitié des quatre millions de personnes qui se sont enfuies de Syrie ces dernières années sont des mineurs. Ils sont également des centaines de milliers parmi les déplacés internes, parfois sans accès à l’école ou à des services de base depuis plusieurs années.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif