Chahuté au Parlement, Chahed contraint à quitter l’hémicycle

 Chahuté au Parlement, Chahed contraint à quitter l’hémicycle

Plusieurs blocs avaient entrepris par avance le boycott de la séance plénière


Il s’agit d’un incident inédit dans l’enceinte de l’Assemblée de par sa gravité : au moment où le chef du gouvernement Youssef Chahed s’apprêtait à prendre la parole devant les députés, des enseignants invités en tant qu’observateurs le chahutent en chœur l’empêchant de livrer son allocution. La majorité dénonce « un acte prémédité et anti démocratique ». 



 


Les blocs parlementaires de la Coalition nationale et d’Al-Horra – Machrou Tounes, alliés du pouvoir, ont ainsi considéré jeudi soir lors d’un point presse commun que le désordre qui a empêché la tenue de la séance plénière consacrée à l’audition du chef de gouvernement était « prémédité » et « constitue un glissement dangereux et une menace pour la démocratie ».


De son côté le chef du bloc de la coalition nationale Mustapha Ben Ahmed (majorité parlementaire) a annoncé à cet égard « qu’il y avait une intention délibérée d’empêcher le Chef de gouvernement d’annoncer des mesures en faveur du secteur de la Santé », et ce dans un contexte encore délétère post affaire des bébés décédés suite à une erreur médicale.


Ben Ahmed a justifié ensuite la teneur de ses propos par « l’exacerbation des tensions observées depuis une semaine sur les réseaux sociaux » ainsi que par « les menaces lancées appelant à empêcher le Chef de gouvernement d’accéder au Palais du Bardo », à l’image du jeune député d’opposition Yassine Ayari qui avait dès le 2 avril menacé de couper la route au cortège de Youssef Chahed avec son propre véhicule, et qui avait été hier encore au centre d’une houleuse dispute à l’extérieur de l’hémicycle avec des élus du pouvoir lui reprochant un statut Facebook.   


Aujourd’hui les blocs de la Coalition nationale et d’Al-Horra ont appelé à une réunion d’urgence à l’Assemblée des représentants du peuple, afin d’instaurer les mécanismes nécessaires pour « empêcher la répétition de tels actes ».


 


Les professeurs ne décolèrent pas


Les enseignants qui protestaient hier, et qui faisaient partie du quota des visiteurs issus de la société civile, ont quant à eux justifié leur acte par la privation de salaire dont ils font l’objet, leur ministère de tutelle ayant estimé que leur dernière grève, assortie de la non remise de notes d’examens, était illégale. « Un hors sujet » selon le chef de l’exécutif venu traiter de questions liées à la santé. Tout indique qu’à l’avenir, les mesures de sécurité, déjà très strictes à l’entrée de l’ARP, concernant les visiteurs, seront renforcées, tout comme leur nombre revu à la baisse.  


Ben Ahmed a par ailleurs réaffirmé l’appui des deux blocs parlementaires en question aux « revendications légitimes des protestataires », tempère-t-il. « Nous soutenons le dialogue avec toutes les parties, mais nous refusons les actes qui portent atteintes aux symboles de l’Etat », en marge d’une déclaration amère et remarquée de Youssef Chahed lui-même qui avait dit souhaiter de que « le Parlement mette de l’ordre dans sa maison » avant qu’il ne revienne…


De son côté le chef du bloc Al-Horra, Hassouna Nassfi, a fait porter la responsabilité de l’incident à la présidence de l’Assemblée, indiquant à ce sujet : « Nous avons contacté le président de l’ARP pour l’informer de l’impossibilité de tenir la séance, mais il avait insisté ».


Mais le choses ne vont vraisemblablement pas s’arrêter là. La polémique enfle en effet après que l’une des députées de la majorité, Houda Slim, a lancé au visage de l’un des professeurs protestataires dans les couloirs de l’Assemblée « La liberté ? A partir d’aujourd’hui vous pouvez l’oublier… ». Pour les détracteurs de Chahed, c’est là le signe que les démons de la tyrannie du passé ne sont jamais bien loin. 

Seif Soudani