Démission confirmée de 9 députés du Front populaire

 Démission confirmée de 9 députés du Front populaire

Au cœur de la crise


Coup dur pour la gauche tunisienne et pour le pluralisme démocratique. Neuf députés du bloc du Front populaire à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) ont confirmé dans la nuit de mercredi à jeudi, via une déclaration commune, leur démission définitive de leur groupe parlementaire front qui comprenait 15 députés. Explications.


Jusqu’ici particulièrement soudé, ce bloc incarnant la gauche radicale historique tunisienne était souvent donné en exemple de discipline parlementaire et de constance idéologique, au milieu d’un paysage politique tunisien éclaté, régulièrement secoué par les scissions et les départs. A l’approche des élections, la fin de ce statu quo signe également la fin d’une époque, de façon houleuse, par plateaux médiatiques interposés.


Issus du « Watad » (extrême gauche souverainiste), la formation initiale de feu Chokri Belaïd, les neuf élus démissionnaires sont Mongi Rahoui, Heikal Belgacem, Ayman Alaoui, Ziad Lakhdar, Chafik Ayadi, Abdelmoumen Benanes, Fethi Chamkhi, Mourad Hemaidi, et Nizar Amami. Ces derniers ont justifié leur démission par « l’ampleur de la crise causée par le Front Populaire, ainsi que l’impasse du dialogue avec son bloc parlementaire, malgré les appels incessants adressés en ce sens au porte-parole du Front Hamma Hammami ».


Neuf départs qui sont de surcroît assortis de la démission du charismatique juriste Ahmed Seddik de la présidence du bloc éponyme.  


 


Une crise latente depuis plusieurs mois, voire plusieurs années


Selon Zouheir Hamdi, le différend qui couvait au Front populaire dépasse en réalité la crise entre les deux leaders que sont Mongi Rahoui et Hamma Hammami.


Plutôt laconiques, les démissionnaires ont ainsi estimé que leur départ traduit « une réalité d’une crise créée par certaines composantes du Front », qui se seraient « employées à imposer leur mainmise et exclure d’autres composantes et militants ». En clair, la guerre de leadership de cette entité qui agrège plusieurs tendances de la gauche dure, n’a jamais vraiment cessé depuis le martyr de Belaïd en 2013, spécialement entre le Parti des travailleurs (PCOT) et le Watad.


Soucieux de minimiser les conflits de personnes, les députés démissionnaires ont d’autre part précisé que « les allégations colportées qui résument la crise à un litige sur la désignation du candidat du FP à la présidentielle qui aura lieu au mois de novembre prochain sont dénuées de tout fondement ». Ils ont assuré à cet égard que « toutes les composantes du Front étaient conscientes que parvenir à un accord à ce sujet était possible ».


Pas un mot en revanche sur les nombreuses tentatives de l’actuel gouvernement de joindre Mongi Rahoui à l’équipe gouvernementale, avec l’assentiment de ce dernier, et sur le mécontentement que cette offre de portefeuille ministérielle avait suscité auprès des figures du Parti ouvrier. « Un coup de maître du gouvernement Chahed » selon certains observateurs qui en semant ainsi la zizanie au sein du Front, a réjoui ses propres alliés d’Ennahdha.


 


« Un choc positif » ?


Le député Haykel Ben Belgacem avait estimé mercredi que la démission de neuf députés de son bloc a eu pour objectif « d’exprimer une position ferme et de provoquer un choc positif à l’issue duquel sera lancé un débat sérieux au sein de la coalition ».


« Les députés FP ont adressé trois correspondances officielles demandant à rencontrer en urgence le Conseil des secrétaires et le porte-parole du FP, Hamma Hammami, restées sans réponse », a-t-il regretté. L’objectif était d’engager un dialogue autour des échéances à venir et des prochaines élections pour lesquelles le FP doit se préparer.


Le Front populaire avait annoncé le 19 mars que le Secrétaire général du Parti des travailleurs, Hamma Hammami, était son candidat à la présidentielle de 2019, après des discussions avec les secrétaires généraux des partis formant le FP (7 partis) alors que le comité central du Parti des patriotes démocrates unifiés (Watad), avait décidé une semaine auparavant de proposer le dirigeant et député au parlement, Monji Rahoui, candidat à l’élection présidentielle du front.


Le Front populaire, un rassemblement de personnalités de gauche, nationalistes, militants de l’environnement et autres indépendantistes, avait été créé en 2012, et a désigné Hamma Hammami, en qualité de porte-parole. Ce mini séisme en son sein provoquera-t-il un débat sur ce que d’aucuns considèrent comme des pratiques autoritaires issues du credo communiste ? Rien n’est moins sûr. 

Seif Soudani