La coalition au pouvoir menacée par la création d’un « front parlementaire »

 La coalition au pouvoir menacée par la création d’un « front parlementaire »

Ons Hattab


Le parti Nidaa Tounes assure ne pas avoir le moindre rapport avec le projet de formation d'un "Front parlementaire" au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Mais malgré sa fermeté, ou son déni, il semble que le parti présidentiel soit mis devant le fait accompli, débordé par une importante dissidence. Explications. 



Ne disposant aujourd'hui que de 56 députés, Nidaa Tounes pourrait essuyer de nouvelles pertes si le "front" progressiste en question venait à voir le jour


Dans un communiqué publié hier soir sur les réseaux sociaux en réaction aux informations faisant état de la formation d'un front parlementaire, Nidaa Tounes a réaffirmé que « ses positions officielles ne paraissent que dans les communiqués signés par son directeur exécutif » (Hafedh Caïd Essebsi). Une façon de rappeler à l’ordre les brebis galeuses.


« Tout élu nidaïste ayant ratifié l'initiative susmentionnée est considéré de facto comme exclu du parti et de son bloc parlementaire, en application des dispositions du règlement intérieur et par souci de préservation de l'unité du parti et de son bloc », peut-on lire dans le même communiqué…


 


Les féministes sonnent la fronde


C’est le député du bloc al-Horra du mouvement Machrou Tounes, Sahbi Ben Fraj, qui le premier avait déclaré dès mercredi soir que « les concertations se poursuivent depuis près de deux mois, entre les élus des blocs parlementaires du Machrou et d'Afek Tounes ainsi que certains élus du Nidaa et des indépendants, en vue de la formation d'un front parlementaire progressiste ».


« Nous élaborons les documents spécifiques audit front et définissons ses objectifs en partant de la réalité politique », a-t-il soutenu, annonçant que le front, ses composantes et ses objectifs seront annoncés d'ici la semaine prochaine lors d'une conférence de presse au siège du Parlement.


Mais ce sont surtout les deux députées Ons Hattab et Rim Mahjoub, respectivement élues de Nidaa Tounes et d’Afek Tounes, qui semblent aujourd’hui les plus activement impliquées dans la communication de cette initiative, au mépris des injonctions de la hiérarchie nidaïste.  


« Ce front permettra d'unifier les positons et les vues sous la coupole du parlement", a ainsi estimé Ons Hattab, indiquant que le projet qui a atteint « une phase avancée » ambitionne de « rétablir l'équilibre dans le paysage parlementaire ».


 


Vers un coup d’Etat parlementaire ?


En clair, même s’il n’est jamais expressément cité, c’est le parti Ennahdha dont la domination parlementaire est en cause. Depuis 2014 et la mise en place d’une coalition aux accents de cohabitation, nécessaire à l’obtention d’une majorité, nombreuses sont les voix qui parmi les modernistes n’ont jamais digéré une alliance à reculons avec les islamistes, même si l’on pensait ces clivages idéologiques dépassés en Tunisie.


Un mécontentement qui s’était traduit par la scission dans un premier temps du bloc Nidaa avec la naissance du bloc à dominante « patriote-féministe » al-Horra, puis aujourd’hui avec l’adjonction potentielle d’autres personnalités restées plus discrètes mais sortant aujourd’hui de leur silence, au moment où Nidaa Tounes est affaibli par la personnalité controversée de Hafedh Caïd Essebsi, le fils du président de la République n’ayant concédé à l’annonce du premier congrès électif du parti que récemment, sous la pression.   


Ces prémices d’une nouvelle crise politique du parti au pouvoir interviennent au moment où les rumeurs vont bon train sur une hospitalisation de Béji Caïd Essebsi (91 ans), transporté en urgence à Paris d’après des sources sous couvert d’anonymat. Interrogée par le leader d’opposition Mohamed Abbou sur l’absence de bilan de santé du président, la porte-parole de la présidence Saida Garrach s’est agacée jeudi en direct, qualifiant cette requête d’« irresponsable ».


 


Seif Soudani


 


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Seif Soudani