Tunisie : La réception en provenance de la France de 60 blindés de police fait polémique

 Tunisie : La réception en provenance de la France de 60 blindés de police fait polémique

En pleine recrudescence de l’épidémie de Coronavirus et dans un contexte marqué par une nouvelle montée de la colère sociale, la réception controversée par les autorités tunisiennes d’un nombre particulièrement élevé de véhicules anti émeutes, suscite l’étonnement et l’indignation de l’opinion publique.

C’est une banale publication du réseau social professionnel Linkedin qui a ébruité l’affaire. On peut ainsi y lire : « Cette semaine Marseille Manutention, Terminal Roulier Sud a réalisé une opération pour les moins atypiques. Non pas par la quantité ou la rapidité d’exécution, qui reste toujours irréprochable chez Marseille Manutention, mais par la nature même de la marchandise. Ce n’est pas moins de 26 camions de police (sur 60 prévus), en partance pour la Tunisie, qui ont été chargé cette semaine, donnant place à de belles images prises sur notre terminal ».

Visiblement pas peu fière de l’ampleur de l’opération, en se voulant transparente la page des professionnels de la manutention ne pensait probablement pas créer un bad buzz aussi malaisant dans le pays où allait être réceptionnée la marchandise répressive en question.

Critiquant cette démonstration de force, certains leaders de la gauche tunisienne ont évoqué « une réponse autoritaire plus rapide que l’achat des vaccins, révélatrice les priorités de l’actuel gouvernement Mechichi »

  

Le souvenir encore vivace de l’assistance française de 2011

En ce mois de janvier 2021 où la Tunisie commémore la première décennie de sa révolution, la transaction n’est en effet pas sans rappeler les sombres heures de la répression du régime Ben Ali, lorsque ce dernier s’était notablement fait aider par la France de Nicolas Sarkozy.

Le Monde avait notamment à l’époque titré à propos du concours de la France : « les propos « effrayants » d’Alliot-Marie suscitent la polémique ». A l’Assemblée nationale, la ministre des Affaires étrangères avait alors proposé le savoir-faire français à la police tunisienne face aux manifestations. Une proposition qui avait suscité la colère des opposants tunisiens de l’époque. Cette formule du « savoir-faire français » est depuis restée célèbre.

Commentant ce qu’il considère comme une récidive de la France en la matière, Jean-Paul Lévèque, simple utilisateur du réseau Linkedin écrit :

« Les sociétés européennes sont sous l’obligation de respecter les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme des Nations Unies, dont le stricte non atteinte aux droits de l’Homme. Les pratiques du gouvernement tunisien quant aux récentes manifestations contre la violence policière et la corruption politique sont en soi une atteinte à ces principes. Votre entreprise Marseille Manutention est de ce fait complice aux pratiques de ce gouvernement. Ce gouvernement qui emploie vos véhicules pour exécuter des arrestations violentes et en masse de manifestants, dont la majorité sont des mineurs, et ce durant une pandémie, sans aucun respect envers leur santé ou leurs droits. Un gouvernement dont la force policière est à la fois juge et bourreau. Honte à vous ! ».

Avenue Habib Bourguiba où certains de ces camions suréquipés ont été déployés et stationnés non loin du ministère de l’Intérieur, des centaines de manifestants, dont les familles du millier de jeunes arrêtés suite aux émeutes, ont levé ce weekend des slogans pour le changement du régime politique en Tunisie et la libération des jeunes émeutiers. Ils réclament en outre le départ du président islamiste du Parlement, Rached Ghannouchi.

Représentant l’aile dure du parti Ennahdha, Abdelkrim Harouni avait cette semaine proposé « l’assistance » du parti islamiste dans l’effort policier de l’Etat tunisien contre le vandalisme et les émeutes de quartier.

Seif Soudani