Tunisie. Loi sur les chèques bancaires : des députés demandent un report

Enième rebondissement dans l’amendement du Code du commerce relatif aux chèques bancaires : un groupe de députés à l’Assemblée des représentants du peuple a proposé aujourd’hui lundi 27 janvier une initiative législative visant à retarder l’application des dispositions du texte. Une situation qui ajoute au cafouillage généralisé entourant les modalités d’entrée en vigueur de la loi.
Face au volume des chèques antidatés dits « de garantie » en circulation, théoriquement illégaux, et devant être encaissés ou convertis en traites bancaires avant la date fatidique du 2 février prochain prévue par la loi, la majorité des banques publiques et privées ont décidé arbitrairement, via des circulaires internes, de ne plus accepter de chèques à partir d’aujourd’hui, soit une semaine avant la date légale de validité des chèques en vertu de la nouvelle loi.
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Pris de panique, de nombreux commerçants, craignant que ces chèques ne se transforment en dettes carbonisées, se sont présentés en vain aux agences bancaires lundi. En fin de matinée, ils apprenaient par les médias nationaux qu’une nouvelle proposition de loi prévoit l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions au début de l’année prochaine.
30% de l’économie tunisienne repose sur des transactions par chèques
Selon Maher Ktari, membre de la Commission des Finances au Parlement, « cette législation présente des avantages indéniables qu’il convient de mettre en œuvre, tels que la dépénalisation des chèques, mais un délai supplémentaire est nécessaire pour permettre aux citoyens, commerçants et banques de mieux se préparer à sa mise en place ».
Le député souligne l’importance de renforcer le rôle de la lettre de change (aussi appelée traite) et de revoir la législation qui la régit de sorte de faciliter les recouvrements le cas échéant. Ktari a précisé à cet égard que 30 % de l’économie tunisienne repose sur les chèques et a souligné la nécessité pour les banques de proposer des alternatives pour le paiement différé tels que les cartes de crédit.
Cette initiative de requête d’un report de près d’une année doit maintenant être examinée par la présidence du Parlement, qui peut convoquer une réunion du Bureau de l’Assemblée pour soumettre la proposition de révision à la Commission des finances et organiser une séance plénière pour en discuter. Mais des voix s’élèvent déjà pour déplorer le manque de crédibilité des législateurs en cas de rétropédalage et au moment où le nouveau format de chéquier a déjà commencé à être distribué.
Pour l’universitaire et économiste Ridha Chkoundali, la suppression de la forme actuelle des chèques bancaires résultera en une potentielle récession en Tunisie, le peu de croissance réalisé par le pays ces dernières années étant poussé principalement par la consommation des Tunisiens. Or, les autorités n’ont ni communiqué suffisamment autour de l’amendement de la loi, ni n’ont suffisamment enjoint les banques à donner davantage d’accès aux crédits à la consommation.
« Dans une petite économie où le pouvoir d’achat est faible, le législateur aurait dû prendre en compte la pratique de survie et les usages certes détournées du chèque bancaire, en se montrant plus pragmatique », regrette l’économiste qui prévoit que les citoyens seront les premières victimes de la nouvelle donne.