Marche nationale contre la loi de réconciliation : l’opposition en ordre dispersé

 Marche nationale contre la loi de réconciliation : l’opposition en ordre dispersé

Dernière marche en date à Tunis


Tunis – Cinq partis politiques de gauche et de centre gauche se sont réunis les 4 et 5 septembre en vue d’organiser une grande marche nationale contre le projet de loi de réconciliation économique : al Jomhouri (qui a abrité la réunion dans ses locaux au 36 Avenue Bourguiba), Ettakatol, le Courant démocratique (al Tayyar), l’Alliance démocratique, et le Mouvement du Peuple. Seule ombre considérable au tableau, ce sera sans le Front Populaire, qui refuse toujours de défiler aux côtés des partis de l’ex troïka. 




 


Egalement à l’ordre du jour des tractations de ce weekend une coordination nationale chargée de superviser plus efficacement un mouvement qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Une nouvelle bien accueillie par divers acteurs de la contestation anti loi que nous avons rencontrés : beaucoup se plaignent en effet du « manque de fiabilité » de la coordination préexistante, issue de la société civile, dont les promesses de se faire entendre dans la rue sont restées jusqu’ici sans suite.


Pour comprendre l’entêtement du Front Populaire, principale force de gauche au parlement, à boycotter toute initiative incluant Ettakatol et à plus forte raison le CPR, il faut revenir aux contentieux historiques qui opposent les deux principaux courants se réclamant du socialisme en Tunisie.  


 


Gauche anti islamiste VS islamo-gauchisme


Sur les réseaux sociaux, les disputes publiques sur multiplient entre des figures nationales appartenant au courant révolutionnaire « islam-friendly » et les modernistes hostiles à l’islam politique, qui se répartissent en trois sous-familles : les proches d’al Massar (« gauche des beaux quartiers » comme aiment à l’appeler ses détracteurs), le Parti des travailleurs, et les nationalistes du Watad, ce dernier étant considéré comme la mouvance la plus éradicatrice à l’égard de l’islam politique et ses alliés.


Emblématique de cette rivalité sur fond de conflit idéologique, la joute verbale par statuts interposés que se livrent depuis 24 heures Lamine Bouazizi, universitaire révolutionnaire plus connu dans le sud du pays, et Taieb Laguili, proche du Massar.


Au-delà des considérations philosophiques, l’épisode de l’assassinat de Chokri Belaïd, non encore élucidé, reste une source de crispations parfois irrationnelles entre les deux familles belligérantes : même si les enquêtes post 2013 n’ont rien donné d’autre que la piste Ansar al Charia, les uns reprochent aux autres le fait que l’assassinat ait eu lieu sous mandat de la troïka, laxiste pour les uns, « complice » pour les plus complotistes.


Début septembre, cela a donné lieu à une surprenante déclaration du successeur de Belaïd à la tête du Watad, Zied Lakhdhar, pour qui Adnène Mansar, conseiller de l’ex président Marzouki, est « le bras du projet sioniste-turque-qatari supervisé par les sphères les plus extrémistes aux Etats-Unis »…


Seule occurrence récente de collaboration entre les deux rivaux, le communiqué du 7 août dernier, sous forme de manifeste, co-signé par le Front Populaire via l’élu Mongi Rahoui et Samia Abbou du Courant démocratique, formation cousine du CPR.   


Pour plusieurs observateurs, défendable du temps de la troïka, la posture du Front Populaire relève aujourd’hui du déni de réalité : si en effet Ennahdha est l’objet de la discorde, aujourd’hui le parti de Rached Ghannouchi est allié de Nidaa Tounes au sein du quartet au pouvoir, ce qui le met définitivement hors du champ des alliances futures du CPR et affiliés.


Selon nos sources, on se dirige à l’heure qu’il est vers deux marches distinctes, l’une vendredi 11 septembre prochain, à la sortie des mosquées, l’autre, celle des « bourgeois-bohèmes » disent les premiers, le lendemain 12 septembre. Une division qui ne peut que faire le jeu des pro loi de réconciliation économique.


 


 Seif Soudani




 

Seif Soudani