Mesures de sécurité : le ras-le-bol des voyageurs à l’aéroport Tunis-Carthage

 Mesures de sécurité : le ras-le-bol des voyageurs à l’aéroport Tunis-Carthage

Abords de l’aéroport Tunis-Carthage


Le weekend du 3 janvier 2016, celui des retours de vacances, restera de sinistre mémoire des autorités aéroportuaires comme l’un des plus chaotiques de l’histoire de l’aéroport Tunis-Carthage : dès samedi, des voyageurs exténués ont dû attendre en moyenne une heure et demie à deux heures en plein air, aux abords de l’aéroport, avant de pouvoir accéder à son enceinte. Aujourd’hui sur la sellette, la gestion de l’Office de l'Aviation Civile et des Aéroports (OACA), qui en rejette la responsabilité sur la reconduite par les autorités de l’état d’urgence. Nous y étions, reportage. 




 


Le 22 décembre dernier, l’état d’urgence avait été reconduit, prolongé de deux mois sur décision de la présidence de la République. Depuis sa réinstauration le 24 novembre 2015 suite à l’attentat meurtrier contre les agents de la sûreté présidentielle, l’état d’urgence est le prétexte à la fermeture du terminal des départs se trouvant au premier étage de l’aéroport.


Résultat : l’ensemble de l’aéroport est desservi par seulement deux scanners de sécurité, ce qui a causé à deux reprises en deux semaines des files d’attente monstre, « dignes du tiers-monde » selon des voyageurs tunisiens et étrangers qui pestent contre des temps d’attente qui firent rater leur vols à plusieurs d’entre eux. « J’ai déjà vécu la même chose à Montréal et à Miami », tempère néanmoins une voyageuse canadienne.


Tant bien que mal, pour écourter le processus des contrôles d’identité, des policiers en civil abordent certains voyageurs, surtout tunisiens, pour leur demander : « Vous allez où ? Pour quel motif ? », etc. Un ton et des démarches que justifie « une application stricte de l’état d’urgence », voulue par le gouvernement Essid.


Mais à vouloir trop bien faire en termes de message rassurant prenant à témoin l’opinion internationale, les autorités sont probablement en train d’obtenir un effet contre-productif.


D’aucuns observent par ailleurs que la foule ainsi regroupée constituerait une cible toute désignée, idéale pour un terroriste ainsi assuré de faire un maximum de victimes civiles…


« Cela ne donne pas envie de venir visiter le pays », ironise un voyageur tunisien prenant son mal en patience. Pourtant, un mois auparavant, le hall principal de l’édifice vieillissant de l’aéroport était partiellement fermé pour cause d’importants travaux, mais ceux-ci n’avaient été engagés que pour installer un écran géant diffusant essentiellement des spots publicitaires. Quant à l’aéroport d’Ennfidha, plus moderne et plus grand, le choix sous Ben Ali de cet emplacement éloigné a résulté en une tombée en désuétude de cet aérogare aujourd’hui délaissé.  


Autre phénomène que l’OACA peine décidément à endiguer, le vol de bagages, qui reprend de plus belle après quelques semaines de répit : sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient à propos de bagages forcés et même découpés au cutter. « Est-ce trop demander que de recourir à une surveillance vidéo des bagagistes ? », se demande-t-on devant un service des réclamations débordé.


Interrogé par le Courrier de l’Atlas sur la question des vols en provenance de la Libye voisine, le porte-parole de l’OACA affirme que « par mesure de sécurité, ces vols continueront à être déroutés via l’aéroport de Sfax-Thyna jusqu’à la fin janvier ».


Dans cet aéroport plus au sud du pays, des ressortissants libyens et syriens notamment sont de plus en plus nombreux à se plaindre quant à eux des temps d’attente à leur arrivée en Tunisie.


Parmi eux, Omar Sheikh Ibrahim, représentant et porte-parole de la communauté syrienne en Tunisie, que nous avions interviewé en 2013 en marge du FSM. Le 29 décembre, ce journaliste qui travaille en Libye et termine ses études à Tunis dit avoir été retenu plus de 16 heures à l’aéroport de Sfax, pour finalement se voir refuser un visa d’entrée sur le territoire tunisien, lui qui y réside depuis six ans.


Autant de dérives sécuritaires que la plupart des observateurs, souvent fatalistes, sont visiblement prêts à avaler pourvu qu’il « se sentent en sécurité ».


 


Seif Soudani




 

Seif Soudani