Salvini à Tunis : Bilan mitigé d’une visite écourtée

 Salvini à Tunis : Bilan mitigé d’une visite écourtée


A défaut de faire l’unanimité sur son style de gouvernance, le ministre italien de l’Intérieur a le don de provoquer nombre de polémiques partout où il passe. A Tunis, sa visite éclair, aussi courte que riche en anecdotes, n’a pas manqué d’alimenter l’intérêt des réseaux sociaux.



Populaire dans son pays, la page de Salvini compte plus de 3 millions d'abonnés


 


Prévue pour durer au moins jusqu’au jeudi16h00, la visite de Salvini s’est prématurément terminée à 13h00, officiellement en raison d’autres engagements. Pourtant, premier constat sur le plan de la forme, ce dirigeant connu à l’instar d’autres leaders populistes dans le monde pour son abandon du port de la cravate, a fait une exception pour cette visite de travail, signe de l’importance qu’il accorde à l’évènement, même si ses chaussettes couleur arc-en-ciel ont gardé une touche de fantaisie qui n’a pas manqué de faire réagir les internautes.


 


Ambiance électrique


Toujours sur la forme, sujet de diverses spéculations : la toile installée par le ministère de l’Intérieur tunisien en guise de background de la conférence de presse des deux ministres consiste en une fresque représentant le général Hannibal traversant les Alpes, une étape emblématique de la marche de son armée vers la conquête de Rome, lors de la deuxième guerre punique déclenchée contre l’Italie de l’époque…


Autant dire que le clin d'œil, s’il en est bien un, n’est pas passé inaperçu, tant la tentation est grande de croire en une très plausible escarmouche narquoise et préventive dirigée contre un homme lui-même connu pour ses provocations.


 


Chahed a-t-il refusé de rencontrer Salvini ?


Les médias nationaux en ont fait leurs choux gras. Subtil coup de com’ ou non de l’équipe entourant le chef du gouvernement tunisien ? Le mystère demeure entier, sur ce point malgré les démentis des deux côtés, le planning de la visite n’étant pas connu à l’avance.


Si Youssef Chahed n’était pas tenu d’un point de vue strictement protocolaire de rencontrer Salvini, n’étant pas son homologue à proprement parler, le ministre italien de l’Intérieur porte cela dit également le titre de vice-président du Conseil qui rendait une rencontre entre les deux hommes plus qu’envisageable.


Le fait que Chahed prenait part le même jour à un sommet économique tuniso-libyen n’a fait que conforter les rumeurs de fin de non-recevoir de son côté, une participation qui peut donner en effet l’impression d’une focalisation sur le partenaire libyen s’agissant de la question migratoire.


Le fait que Salvini soit reçu par le président de la République Béji Caïd Essebsi, avec lequel il a affiché une grande complicité, n’a pas non plus aidé à dissiper les rumeurs de boycott de Chahed, en pleine guerre de clans entre la Kasbah et Carthage.   


Au chapitre des peu nombreuses annonces concrètes en marge de la visite, le ministre tunisien de l’Intérieur Hichem Fourati a assuré que « 500 passeurs et personnes accusées de traite d’êtres humains ont été arrêtées depuis le début de l’année », tandis que le ministre italien a déclaré que son pays « encourage l’immigration quand elle est légale, assurant que chaque immigré clandestin résidant illégalement en Italie sera rapatrié en Tunisie s’il est prouvé qu’il est tunisien ».


Salvini a ensuite visiblement voulu faire amende honorable lorsqu’il fut interrogé par les journalistes sur certaines de ses déclarations qui fâchent datant de sa campagne électorale à propos de la Tunisie qui « exporte des repris de justice », en regrettant que ces propos aient été « sortis de leur contexte ».


Cela n’a pas suffi à convaincre le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) Néji Bghouri, pour qui « Matteo Salvini n’est pas le bienvenu en Tunisie, un homme qui préfère voir les migrants se noyer plutôt que de les sauver », allusion aux ennuis judiciaires du ministre dans son pays où il est notamment accusé de séquestration de personnes, arrestations illégales et abus de pouvoir.


« Nous valons mieux qu’une Tunisie poste de police auprès de l’Union européenne, nous ne sommes pas à votre service ! » a pour sa part déclaré l’avocat et cadre du Front populaire Abdennaceur Laouini, commentant la même visite.


 


Seif Soudani


 


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Seif Soudani