Tunisie. Spectaculaire limogeage de la ministre des Finances

La présidence de la République a annoncé à une heure tardive dans la nuit de ce mercredi à jeudi la nomination de Michket Slama Khaldi au poste de ministre des Finances. Elle remplace Sihem Boughdiri Nemsia, nommée à la tête du département depuis le 11 octobre 2021, jadis considérée comme l’une des ministres « indéboulonnables » du fait de sa survie à d’innombrables remaniements.
Selon le laconique communiqué du Palais de Carthage, la nouvelle ministre a prêté serment lors d’une cérémonie organisée au Palais de Carthage mercredi soir 5 janvier. Michket Slama Khaldi, magistrate de l’ordre judiciaire du troisième grade, occupait jusqu’ici le poste de présidente de la Commission nationale de la réconciliation pénale, un énième organisme chargé de la récupération des fonds publics détournés grâce à un mécanisme d’arbitrage avec les parties concernées.
Cette forme de promotion au rang de ministre étonne les observateurs à plus d’un titre. Car durant son mandat, certes court, à la tête de cette commission dont elle remplaçait déjà un prédécesseur sans le moindre bilan notable en matière de recouvrement de biens mal acquis, la magistrate s’était faite oublier tant ladite commission, prévisiblement inefficace, était relativement tombée aux oubliettes.
Magistrate de troisième grade, elle s’est illustrée par son engagement dans la lutte contre la corruption et la gestion des dossiers financiers sensibles. « Mais son parcours au sein du pouvoir judiciaire est sans grand lien avec l’économie, en dehors d’un passage au Conseil de la concurrence », note l’éditorialiste Marwen Achouri. Une nomination qui du reste consacre un peu plus la République des juges.
Un limogeage humiliant
Quelques heures avant la prestation de serment de la nouvelle ministre, le président de la République, Kais Saïed, effectuait mercredi une visite aux locaux de la Commission chargée de la confiscation au siège du ministère des domaines de l’Etat et des affaires foncières, avant de se rendre au siège du ministère des Finances puis au palais du gouvernement à la Kasbah.
Le chef de l’Etat a saisi l’occasion pour dénoncer les tergiversations en matière de biens confisqués, estimant que ce dossier n’a pas avancé d’un iota et qu’il est « encore au point zéro ». « Une attitude paradoxale d’éternel président opposant qui a pourtant tous les pouvoirs », fait remarquer l’opposition.
Saïed a à cet égard rappelé que depuis 2011 jusqu’à février 2025, les travaux de la commission de confiscation n’ont cessé de traîner en longueur, critiquant une démarche inopérante marquée par la profusion des commissions, la persistance des infractions et des abus, le recours au moyen dilatoire dans le traitement des dossiers en instance, ainsi que des cessions dévalorisées de bon nombre de biens immobiliers.
Tout en déplorant une situation « anormale », le chef de l’Etat a réaffirmé que ces biens spoliés sont la propriété du peuple tunisien, promettant à ce titre d’œuvrer sans relâche à servir l’intérêt de la Tunisie et à défendre l’autonomie de sa décision nationale.
En faisant irruption dans le bureau de Sihem Nemsia, le président Saïed a aussitôt lancé « où est la commission ? », surprise, la ministre a balbutié : « elle se trouve à son siège ». Un cafouillage qui lui coûtera son poste. Pour l’opposant Abdel Wahab Hani, l’actuel Etat est dirigé au gré des emballements et des coups de sang.