Un « tsunami » de covid-19 balaie la Tunisie

 Un « tsunami » de covid-19 balaie la Tunisie

Le système sanitaire de la Tunisie connaît une crise profonde qui profite au secteur privé.

Le sujet est partout dans la presse locale. La gestion catastrophique de l’épidémie de covid-19 est presque l’unique sujet de conversation des Tunisiens. Les images des hôpitaux débordés deviennent virales avec leurs lots de corps laissés des heures au milieu des malades faute de place à la morgue.

 

En Tunisie, la propagation du covid-19 atteint des niveaux inédits. L’hôpital Ibn Jazzar de la région confinée de Kairouan (centre) a eu un tel afflux de patients que « certains d’entre eux meurent sans qu’on s’en rende compte », raconte une infirmière à l’AFP. Des corps sont restés jusqu’à 24 heures dans les chambres, par manque de personnel pour les emmener dans une morgue, déjà pleine.

Près de 8 000 nouvelles contaminations enregistrées durant les 24 dernières heures avec un taux de positivité des tests de plus de 37 %

La Tunisie enregistre un nombre de décès quotidiens sans précédent depuis le début de la pandémie. Le bilan quotidien est supérieur à 100 morts quotidiens pour un pays de 12 millions d’habitants. Au total, la covid a fait officiellement 15 000 morts. Plus de 600 personnes sont actuellement en réanimation. Les hôpitaux de campagne mis en place ces derniers mois ne suffisent plus. 92 % des lits de réanimation dans le public sont actuellement occupés, et ceux de la capitale sont pleins.

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Face à cette vague assimilée à un « tsunami », les autorités ont confiné six gouvernorats où le taux de propagation du virus est particulièrement élevé. Médecins, infirmiers et ONG ont lancé un cri d’alarme à Kairouan. Une cagnotte en ligne a été organisée. Elle vise notamment à pallier le manque criant de respirateurs indispensables au maintien en vie des patients gravement atteints.

 

Situation hors de contrôle

La consommation quotidienne d’oxygène a atteint un niveau de 5 500 litres par jour. À comparer avec les 400 à 500 litres d’avant le début du nouveau pic il y a deux semaines, selon l’administration régionale de la santé à Kairouan.

Dans cette région marginalisée, les établissements de santé, publics et privés confondus, ne comptent que 45 lits de réanimation et 250 appareils d’oxygène, selon les autorités sanitaires. Une salle omnisports a été convertie en hôpital.

À l’établissement Ibn Jazzar, il y a trois infirmiers pour 35 personnes atteintes de la covid. Les patients y sont donc parfois allongés par terre dans les couloirs, à défaut d’avoir trouvé de lit. Des familles perdent parfois plusieurs membres en quelques jours.

Le nombre quotidien de décès a atteint les 20, dont des enfants à Kairouan. Les rues de l’ancienne capitale Aghlabides sont presque désertes, les souks et les commerces fermés. La« situation était très délicate, et les lits de réanimation saturés », reconnaît le directeur régional de la santé, Mohamed Rouiss.

 

Catastrophe sanitaire doublée d’une catastrophe économique

La gravité de la situation ne se limite pas à cette région marginalisée du centre du pays. Les hôpitaux des gouvernorats voisins ont été mobilisés pour répartir les patients. Mais, « aujourd’hui la situation se complique, car ces hôpitaux, à leur tour, sont pleins », indique M. Rouiss.

Sousse, ville balnéaire à 60 km de là, a aussi été placée en confinement total, et les services de sécurité ont interdit l’accès à la principale plage. Le bandeau de sable blanc désespérément est vide, augurant d’une seconde saison catastrophique pour le tourisme, poumon de l’économie tunisienne.

À Tunis comme dans les régions défavorisées de Béja ou Jendouba (nord-ouest), des hôpitaux peinent également à faire face à l’afflux de malades. Pour Slah Soui, médecin réanimateur du deuxième plus grand hôpital de Kairouan, la situation sanitaire désastreuse s’explique notamment par « l’imprudence et le non-respect des règles de distanciation physique ». Mais, il pointe aussi par « un niveau trop bas de vaccinations ».

 

Pénurie de vaccin et tourisme vaccinal

Pénurie de doses, absence de sensibilisation : sur 593 000 habitants de Kairouan, seulement 95 000 se sont inscrits pour se faire vacciner, dont la moitié a eu au moins une dose. À l’échelle du pays, seuls 4 % des Tunisiens ont reçu une vaccination complète.

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Face à la lenteur de la campagne tunisienne de vaccination, certains optent pour le « tourisme vaccinal », comme le qualifie Solène. La jeune Française, qui travaille dans le secteur de la coopération, vient d’effectuer son deuxième aller-retour vers Paris en moins de deux mois pour y compléter sa vaccination. Comme elle, de nombreux Européens dont les pays ont ouvert la vaccination à tous les publics ont décidé de cumuler vacances estivales et injections cet été. Avec l’espoir de revenir totalement vaccinés pour une rentrée qui s’annonce très compliquée pour les Tunisiens.

Rached Cherif