Amani Salma, la marraine de la « Chicha Connection »

 Amani Salma, la marraine de la « Chicha Connection »

crédit photo : Ouafa B Photographe


Désormais, les amateurs de bars à narguilé peuvent les localiser en un clic, grâce à l’application ChichaMaps. Sa fondatrice franco-libanaise entend changer le regard souvent négatif qu’on porte sur ces lieux d’échange. 


Originaire d’une famille sunnite de Tripoli au Liban, Amani Salma est née à Paris et a habité dans le Val-de-Marne. Après des études de commerce international, elle décide de s’orienter vers le webmarketing. Férue d’innovation numérique, elle se place vite dans le consulting et la gestion de sites et d’applications. “Pleine d’idées et de concepts”, elle lance six ans plus tard sa “petite entreprise”, au sein de la Pépinière 27, à Paris (Xe).


 


Disponible dans une centaine de pays


Lors d’un week-end à Strasbourg avec des amies, elle constate que trouver un bar à chicha via Google ou Facebook est très compliqué (en France et dans le monde). Etablissant une analyse comparative sur la consommation de pipes à eau, cette fumeuse occasionnelle voit dans cette lacune une opportunité. Ainsi naîtra ChichaMaps : un site web, d’abord, puis une application mobile sur Android, qui compte aujourd’hui 200 testeurs, et dont une refonte sera lancée au cours de ce mois de juin. Ce service de recherche géolocalisée, dont la page Facebook est suivie par plus de 1 300 abonnés, relie les propriétaires d’établissements aux fumeurs, afin que ces derniers puissent se repérer : terrasse, restaurant, présence ou non d’alcool… C’est aussi l’occasion de partager les expériences. Collaborative, cette application gratuite est disponible dans une centaine de pays et se finance par la publicité et les boutiques d’accessoires, avec un seuil de rentabilité à atteindre d’ici à deux ans.


Le souhait d’Amani ? Changer le regard négatif qu’on porte sur les bars à chicha : “Il ne faut pas nier leur danger sanitaire, convient-elle. Mais à la différence des bars où l’on vend de l’alcool, par exemple, on ne perd pas sa capacité à conduire quand on en sort !


Une mission difficile, tant dans l’imaginaire collectif, les lieux où l’on fume le narguilé sont peuplés d’hommes ­désœuvrés ou de mauvaise fréquentation. Une femme serait-elle donc indésirable dans cet univers très masculin ? “Pas du tout, coupe Amani. L’image véhiculée en France est liée à la démographie et à la sociologie des populations ­immigrées qui l’ont importée en Europe. En Allemagne, par exemple, ce sont les populations turques qui ont apporté cette coutume très démocratisée chez eux, et qui se pratique sans distinction de sexes”, analyse la jeune entrepreneuse, qui poursuit : “En France, le regard porté sur les femmes dans les bars à chicha est lié aux rapports hommes-femmes en Afrique du Nord, où une demoiselle fumant une cigarette est mal vue.” Amani prend en exemple les chichas dans les pays du Moyen-Orient, où celles-ci créent du liant culturel, au sein “des cafés littéraires et des ‘majliss’, où l’on discute et partage des opinions”. On les apprécie pour leur côté “divertissant”, “social” ou “pour la méditation”.


 


Moins “arabo-centrés”


La Franco-Libanaise relève enfin que les bars à chicha sont plus diversifiés aujourd’hui. On en trouve près de 500 à Moscou, 800 en Ile-de-France… Aux Etats-Unis, si la consommation de la cigarette a reculé de 33 % en dix ans, celle de la chicha a explosé de 123 %. Les lieux où l’on ­apprécie le narguilé sont moins “arabo-centrés”, insiste Amani, et fréquentés par des “influenceurs” de toutes origines, qu’elle souhaite conseiller afin de leur donner une image en adéquation avec la réalité. 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.