En Tunisie, la BCT rechigne au financement du déficit budgétaire

 En Tunisie, la BCT rechigne au financement du déficit budgétaire

Marouane Abassi est en fonction comme gouverneur de la BCT depuis le février 2018

Le conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a tenu le 27 octobre 2020 une réunion extraordinaire à distance pour examiner le projet de loi de finances rectificative pour l’année 2020 et les problèmes qu’il présente s’agissant des besoins supplémentaires de financement.

 

C’est dans ce contexte que le projet de loi de finances rectificative met en évidence un déficit qui dépasse de loin les répercussions de la crise sanitaire de Covid-19, atteignant un niveau sans précédent estimé à 13,4% du PIB.

« Cela nécessitera de gros efforts pour mobiliser les ressources financières nécessaires pour le financer, dans un laps de temps très court et dans une circonstance caractérisée par un accès difficile au marché financier mondial, notamment avec la dégradation de la notation souveraine de la Tunisie. D’où le coût élevé de ce marché en raison aussi de la rareté des liquidités due à l’impact de la crise sanitaire sur l’endettement des pays et à la réticence des investisseurs internationaux à risque dans les économies de marché émergentes » explique la BCT dans un communiqué.

 

14,3 milliards de dinars de financement interne

Le conseil a constaté que, pour faire face à cette situation, il est prévu que le recours au financement interne s’intensifie. Il atteindra 14,3 milliards de dinars dans le projet rectificatif contre 2,4 milliards de dinars dans la loi de finances initiale. « Cela aura des répercussions négatives sur les équilibres économiques. En outre, la participation du secteur bancaire à cet effort de mobilisation des ressources en souscrivant à des émissions du trésor exercerait une pression accrue sur la liquidité et donc recourrait davantage au refinancement de la banque centrale », prévient la BCT.

Après avoir rappelé les efforts inlassables consentis par la Banque centrale au cours des trois dernières années, à travers l’adoption d’une politique monétaire volontariste, qui a conduit à une baisse de l’inflation (autour de 5,4%, ndlr) et à une amélioration des équilibres intérieurs et extérieurs, le conseil a également évoqué les efforts exceptionnels consentis par la Banque centrale au cours de la période récente afin de soutenir les efforts de l’État pour faire face à la pandémie Covid-19.

Il a également souligné l’importance de maîtriser l’impact d’un recours excessif au financement intérieur sur la stabilité macroéconomique et les effets directs et indirects sur le niveau d’inflation et le volume total de refinancement. L’effet de l’éventuelle concurrence pour financer le secteur privé dit « effet d’éviction », en plus de la possibilité d’un déséquilibre extérieur et de la détérioration de la valeur du dinar, a également été évoqué. 1 euro s’échange aujourd’hui 28 octobre 2020 contre 3.23 dinars tunisiens, l’un de ses plus hauts niveaux historiques.

 

La « mission initiale de la BCT », argument d’autorité 

Après discussion et délibération, le conseil a confirmé que la Banque centrale restera « attachée à la mission que lui a confiée le législateur », qui consiste notamment à maintenir la stabilité des prix et de contribuer à la stabilité financière conformément à la loi relative au contrôle du statut de la Banque centrale de Tunisie.

En clair, ce renoncement à demi-mot à un financement supplémentaire du déficit budgétaire par la BCT, souveraine dans ses décisions, représente un camouflet pour le gouvernement Mechichi fraîchement investi. Ce dernier devra en effet probablement recourir à des solutions moins orthodoxes pour remédier au gouffre financier que représente la crise Covid-19 qui s’installe dans la durée.

 

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Seif Soudani