La question migratoire au cœur de l’entretien entre Mechichi et Castex

 La question migratoire au cœur de l’entretien entre Mechichi et Castex

Entamée par un volet économique, le chef du gouvernement tunisien Hichem Mechichi poursuit sa visite en France avec trois escales clés, plus politiques cette fois : Matignon, le Parlement et le sénat. Une visite qui ne se déroule pas sans quelques bévues communicationnelles.

 

Deux jours après son arrivée à Paris, Mechichi a été reçu, lundi, par son homologue, le Premier ministre français Jean Castex. Dans une déclaration à la presse à l’issue de l’entretien de ce dernier avec la délégation tunisienne, le numéro 1 de l’exécutif tunisien a indiqué sans détour que la question migratoire et « le besoin d’optimiser la coopération dans ce domaine » ont été d’emblée soulevés.

L’accent a été mis sur « la nécessité d’une approche concertée entre les deux pays, basée sur le développement solidaire et l’investissement dans les régions exportatrices de migrants irréguliers ».

L’absence de simples bloc-notes, côté tunisien, lors de la réunion de travail à Matignon, n’a pas manqué de faire réagir l’opinion nationale en Tunisie.

Migration : deux pays au diapason ?

Le chef du gouvernement tunisien a assuré que la partie française s’est montrée convaincue que l’approche sécuritaire est « utile mais insuffisante » dans le traitement de la question migratoire. « Nous travaillerons avec la France sur cette question », a-t-il néanmoins tempéré, laissant sous-entendre l’heure est au rapprochement des points de vue.

Dans un entretien accordé hier soir à France 24, Mechichi a ajouté à ce sujet que « la Tunisie est disposée à recevoir les Tunisiens que la France veut expulser de son territoire en raison de leurs liens supposés avec des mouvances radicales, à condition qu’ils soient traités de façon humaine » lors de ladite expulsion.

« Tout ressortissant se trouvant illégalement sur le territoire français, ou constituant une menace pour les Français, a vocation à rentrer chez lui », a-t-il renchéri, se voulant manifestement conciliant. Toujours à propos de ces retours forcés, Mechichi se dit quoi qu’il en soit « confiant quant à la capacité de la Tunisie à éviter que cela puisse constituer une source de danger pour le pays ».

Primauté du dossier économique

« La France croit toujours en l’amitié avec la Tunisie. Elle a exprimé un fort engagement à doubler ses investissements dans le pays », s’est félicité Mechichi, revenant au sujet principal de sa visite. Selon lui, l’entrevue avec son homologue français aurait ainsi permis aussi de passer en revue les préparatifs en prévision de la prochaine réunion du Haut Conseil de coopération tuniso-français, la troisième en date, prévue pour mars 2021 à Tunis, sous l’égide des deux chefs de gouvernement.

Selon les membres de la délégation tunisienne, le pays a un besoin de financement à hauteur de 16 milliards de dinars tunisiens (environ 5 milliards d’euros), espérant un accord avec le FMI en ce sens. « Contrairement aux pratiques antérieures, mon gouvernement a pris le parti de dire la vérité sur la situation économique plus que préoccupante », affirme Mechichi.

La question de la mobilité des étudiants tunisiens poursuivant leurs études en France et qui ont récemment connu des difficultés en raison de la pandémie de la Covid-19, a en outre été abordée au cours de l’entrevue.

Dernière étape de cette visite, outre une réunion de travail avec le Medef, la délégation gouvernementale tunisienne fut reçue par le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand.

« Les droits des femmes sont une ligne rouge », a rassuré Mechichi hier soir. Réagissant à une récente polémique parlementaire en Tunisie, Hichem Mechichi a condamné les propos d’un député de la Coalition al-Karama, qui avait récemment décrit les mères célibataires comme des « traînées et des femmes violées ». La Tunisie « n’acceptera pas que l’on s’en prenne aux acquis des femmes », a-t-il prévenu, tout en se disant « certain » que le parti islamiste Ennahdha, son allié au pouvoir, est sincèrement favorable à un État civil.

 

Seif Soudani