Les jeudis de l’IMA, la question de la femme en société musulmane

 Les jeudis de l’IMA, la question de la femme en société musulmane

Abdennour Bidar


 


« La lutte pour le droit des femmes en société musulmane, un état des lieux critique ? », tel fut l'intitulé du dernier débat de la saison des Jeudi de l'IMA qui s'est tenu jeudi 16 juin à l'institut du monde arabe. Un débat animé par le philosophe et écrivain Abdennour Bidar. 


 


Pour aborder ce thème sensible, deux invités réguliers étaient présents : Eva Collet, doctorante sur la question des frontières du monde médiéval musulman à la Sorbonne et Faker Korchane, journaliste indépendant spécialiste des questions religieuses notamment de la théologie musulmane et philosophe de formation.


 


Deux intervenantes ont fait le déplacement : Lilia Bacha, docteure en arts et science des arts, artiste plasticienne et auteure du livre : Le regard en-péché, ainsi que Sihem Habchi, ex-présidente de Ni putes Ni soumises, actuellement directrice du centre d'hébergement d'urgence Aurore à Paris. 


 


 


La place de la femme, une question avant tout universelle


 


 


 


Abdennour Bidar a introduit le débat en donnant la voix à diverses femmes issues du monde musulman d'aujourd'hui comme comme d'antan, soulignant l'inquiétude que suscite la question de la femme dans le monde musulman mais aussi plus généralement dans le monde. Pour Abdennour Bidar, la femme symbolise l'altérité, une altérité qui est souvent restreinte dans les monothéismes de par un certain dogmatisme. « Je crois que nous sommes dans un monde très yang et très peu yin » conclut ce dernier.


 


Lilia Bacha a également dessiné une analyse universelle quant à la problématique de l'émancipation des femmes. Pour elle, nous vivons dans un monde où il y a un modèle traditionnel qui prime, un modèle basé sur la complémentarité au sein de la cellule familiale. Un modèle qui s'est retrouvé déséquilibré à la suite des mouvements de libération et d'émancipation féminine puisque les hommes ne s'en sont pas libérés ; ce qui se traduit par des attitudes de déni de l'égalité et de rabaissement de la femme. Pour Lilia Bacha : « Afin de parler d'émancipation des femmes, il faut aussi parler d'émancipation des hommes ».


 


 


Une dynamique féminine certaine


 


Sihem Habchi a évoqué la dynamique qu'elle a observé sur le terrain dans les pays musulmans. Une dynamique qui a donné ses fruits avec au Maroc, la révision de la Moudawana au Maroc en 2004, puis en 2011 la possibilité de la transmission de la nationalité marocaine par la mère, en 2012 lors des élections en Tunisie il y a eu une volonté de présenter un nombre égal d'hommes et de femmes. Il y a une conquête de l'espace public par les femmes qui est visible, à travers les médias, dans la rue lors des révolutions, à travers le secteur économique notamment dans les pays du golfe où elles sont nombreuses à faire partie des comités de grandes entreprises. 


 


 


Entre histoire et religion


 


Eva Collet s'interroge sur la limite ténue entre la coutume et la religion dans l'histoire des femmes musulmanes.  La religion qui a pour première signification de faire du lien n'est pas, pour la militante féministe Sihem Habchi, un problème dans cette acception mais ne l'est que lorsqu'on en retire l'aspect humain, qu'on en fait une machine qui se focalise sur le licite et l'illicite jusqu'à en retirer la dignité et le lien social.  Faker Korchane est lui impressionné par l'ouverture qu'on retrouve dans les textes religieux authentiques et les traditions de fermetures développées dans les sociétés musulmanes.


 


Amina Chagar

Amina Chagar