Opinion. L’anonymat pour les auteurs de tueries, une décision idéologique et controversée

 Opinion. L’anonymat pour les auteurs de tueries, une décision idéologique et controversée

Image de vidéo surveillance des auteurs de l’attentat de l’aéroport de Bruxelles


« Nous ne publierons plus de photographies des auteurs de tueries, pour éviter d’éventuels effets de glorification posthume », annonce Le Monde hier mercredi. « Notre radio ne citera plus les noms des terroristes à l'antenne », surenchérit Europe 1. La doctrine Fethi Ben Slama a fait des émules. En plein émoi collectif, nous entamons probablement ici la pente glissante de l'autocensure, qui signale toujours l'introduction de l'idéologie dans l'information. L'enfer est pavé de bonnes intentions.




 


Ne faisant suite à aucune sommation du CSA, ces décisions zélées de certains grands médias français partent de plusieurs postulats très discutables, voire ineptes, promus par des intellectuels proches du pouvoir, comme le fait qu'informer sur l'identité d'un terroriste, c'est faire l'apologie du terrorisme, et que le djihadiste type rechercherait nécessairement une gloire ou célébrité personnelle posthume.


Une fois enclenchée, où s'arrête cette logique de tutelle sur le droit d'être informé ? Qu'en sera-t-il si demain un pouvoir autoritaire décide de criminaliser l'opposition et de ne plus lui donner de nom ? Cela pourrait arriver en Occident, ou plus rapidement sans doute dans des pays en voie de développement qui prennent exemple sur l'Occident pour justifier localement des politiques autoritaires d'ingérence dans la presse.


Cette forme de prohibition de l'info favorisera le déni et entraînera automatiquement l'essor de la presse alternative en ligne ainsi que les théories du complot de type « on nous cache tout », prédit David Thomson, spécialiste du djihadisme.  


Via Florian Philippot, l'extrême droite française accuse déjà le pouvoir socialiste de vouloir cacher l'ethnicité des terroristes. Électoralement, c'est donc déjà contre-productif.


La part de suivisme par effet d'entraînement ou de fascination pour le massacre est de toute façon sans doute très anecdotique.


Il y a peut-être une part de voyeurisme à vouloir savoir si tel tueur n'était pas son voisin de palier ou avait telle ou telle croyance ou religion, mais ce n'est vraisemblablement pas par une éthique paternaliste « type RDA » qu'on pourra contourner le problème.


 


Seif Soudani

Seif Soudani