« Sans doute le ramadan le plus difficile de ma vie », Mounia, enseignante

 « Sans doute le ramadan le plus difficile de ma vie », Mounia, enseignante

Le ramadan 2021 débute en France en pleine troisième vague de covid, mais aussi alors que la vaccination s’accélère. AFP PHOTO / BENJAMIN CREMEL


Pour beaucoup de Français de confession musulmane, le ramadan de cette année qui s'achève, a été très difficile. En cause, la chaleur, bien entendu, plus de 37 degrés certains jours de cette semaine et aussi les longues journées du mois de juin qui n'ont rien arrangé. Les fidèles ne pouvaient ni boire ni manger de l’aube au coucher du soleil. 


"Sans doute le ramadan le plus difficile de ma vie, car il arrive à une période un peu compliquée pour moi", assure Mounia, une enseignante de 27 ans qui a dû faire face en plus à des soucis de santé et aussi à un déménagement. "C'est également ma première année de prof", explique-t-elle. 



La jeune femme aurait pu si elle le voulait être exemptée de jeûne. La religion musulmane permet aux malades mais aussi aux personnes âgées, aux voyageurs, aux femmes enceintes, etc., à toutes celles et ceux qui ne se sentent pas en capacité physique de faire le ramadan, surtout pendant les périodes de fortes chaleurs de s'abstenir. 



Toutes ces personnes peuvent  toujours rattraper ces jours de jeûnes manqués. Ceux atteints de maladies chroniques ont la possibilité de s’acquitter d’une compensation financière et donner une somme pour nourrir les pauvres. 



Mounia a tenu à aller au bout. "En ces temps de canicule, c'est clairement le manque d'eau qui est difficile à gérer. Heureusement que je bois très peu de café. L'année dernière, j'avais profité du ramadan pour supprimer définitivement la cigarette", continue l'enseignante.


"Le ramadan est un excellent prétexte pour abandonner ses addictions. A la fin du mois, les bienfaits obtenus sont tels qu'on n'a pas envie de tout gâcher en replongeant".


Mais ne pas craquer est aussi un challenge. "Ce qui me fait tenir, c'est l'envie d'y arriver", soutient Mounia. "Le fait de se recentrer sur sa spiritualité détourne aussi mon attention de la sensation de faim et de soif. La méditation de la prière apporte beaucoup d'apaisement. J'aime bien aussi lire le Coran ou me consacrer à une lecture un peu complexe. Tout ceci permet de me détacher de la nourriture", raconte encore Mounia. 




C'est ce que dit aussi Elsa, 30 ans, convertie à l'islam il y a quatre ans. "Faire le ramadan signifie qu'on délaisse nos désirs, nos besoins basiques pour nous tourner vers le spirituel, le divin. Cela permet de se réformer, de s'améliorer, de faire son bilan de vie et de remettre à jour ses objectifs. Cela permet également de gagner en humilité et de se mettre à la place des personnes démunies qui n'ont pas de quoi se nourrir et s'hydrater correctement. C'est le mois du pardon du partage et du dépassement de soi".

 


Elsa sait de quoi elle parle. Pour son premier ramadan en 2013, elle était chez elle, à Paris. "Je n'avais jamais jeûné de ma vie et c'était du coup très dur physiquement et mentalement", explique Elsa. "J'ai même failli craquer", avoue-t-elle. "Depuis, j'ai évolué et cheminé dans ma foi. Après plusieurs jeûnes, je suis désormais habituée à la difficulté", concède-t-elle. Cette année, elle est en Palestine, à Jérusalem. "Le jeûne a été facile. J'ai passé un magnifique Ramadan. Le fait d'être dans un pays entourée de musulmans, avec des horaires plus souples y a contribué largement", lâche Elsa. En vacances pendant cette période, elle est heureuse d'avoir pu se concentrer pleinement à son jeûne.


Rasheed, 40 ans a la "chance" d'avoir un boulot. Il est éducateur spécialisé mais certains le connaissent parce qu'il est un brillant chanteur-compositeur. "Le ramadan le plus difficile que j'ai fait c'était il y a huit ans" se souvient-il. "Ce n'était pas à cause de la chaleur ou du manque d'eau mais à cause de la solitude, le fait d'être loin de ma famille". Rasheed venait de quitter Roubaix pour Paris. Cette année, le jeune homme avoue qu'il y a eu des "moments très difficiles avec des longues journées de travail où il fallait encadrer des activités sportives".  "A certains moments, j'avais l'impression d'être au bout de ma vie mais je n'ai jamais pensé à craquer", dit Rasheed. "Le plus dur à gérer a été la soif mais aussi la fatigue, à cause du jeûne, mais aussi à cause de tous ces sommeils décalés". Certains fidèles se levaient à 3h30 du matin pour manger et boire une dernière fois. 




Sadia, 38 ans, dirige un équipement de loisirs culturels à Paris, dans le 19ème. Il a passé un super mois de ramadan. "Je ne l'ai pas trouvé  plus forcément difficile que les autres dans la mesure où je ne le ressens pas comme une contrainte", confirme-t-il. Pour lui, ce mois de jeûne est "l'occasion de mieux connaître ses limites et de mieux les contrôler".

"Nous vivons dans une société qui nous pousse sans cesse à consommer certaines choses qui ne sont pas nécessaires, notamment au niveau de l'alimentation", embraie Sadia. Le ramadan est pour lui "un retour à l'essentiel".


Nadir Dendoune

Nadir Dendoune