L’émir du Qatar en Espagne – Madrid, Doha et Rabat en ordre serré

 L’émir du Qatar en Espagne – Madrid, Doha et Rabat en ordre serré

Le roi d’Espagne Felipe VI (à droite) et l’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al Thani (à gauche) passent en revue la garde d’honneur, lors d’une cérémonie de réception officielle du prince qatari à Madrid, le 17 mai 2022. Pierre-Philippe MARCOU / AFP

De ce côté-ci de la Méditerranée, on suit avec beaucoup d’intérêt la visite d’État de l’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al Thani en Espagne, d’autant plus que l’objectif premier de ce déplacement est de renforcer les liens économiques avec Madrid, notamment en matière d’énergie, sur fond de guerre en Ukraine.

D’après la presse espagnole, une douzaine de contrats économiques et commerciaux devraient être signés par le dirigeant qatari, durant cette visite, à laquelle participe une importante délégation qatarie composée notamment des ministres des Affaires étrangères et des Affaires énergétiques.

Même si le détail de ces contrats n’est pas encore divulgué, on sait d’ores et déjà que ces accords concerneront notamment l’énergie, et plus particulièrement le gaz. Comme on le sait, Madrid, cherche depuis la guerre en Ukraine à diversifier son approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) pour réduire sa dépendance à la Russie et à l’Algérie qui semble résolument décidée à ne pas couper les ponts avec les Russes.

C’est dans cette configuration que les Marocains s’intéressent de près aux évolutions des négociations qataries-espagnoles. En effet, le Qatar, pour l’instant cinquième fournisseur de gaz naturel de l’Espagne, derrière les États-Unis, l’Algérie, le Nigeria et l’Égypte, possède pourtant les troisièmes plus grandes réserves de gaz au monde. Madrid espère ainsi décrocher l’accord qui permettrait d’augmenter, dans de grandes proportions, l’approvisionnement en GNL à long terme.

Or les Espagnols et les Marocains ont lancé une série de négociations qui ont débouché sur l’inversion du Gazoduc Maghreb-Europe (GME), après la décision espagnole d’autoriser l’inversion du flux du tronçon hispano-marocain du GME, suite à la fermeture de ce gazoduc par l’Algérie.

Enagas, l’opérateur du réseau gazier espagnol, a d’ailleurs procédé récemment à des tests positifs en flux inversé, alors que les consultations lancées par la ministre marocaine de l’Energie Leila Benali en vue de s’assurer des contrats de long terme pour la livraison de gaz naturel liquéfié (GNL) dans les terminaux espagnols, pour y être regazéifié et convoyé par le GME, devraient bientôt aboutir.

Effectivement, la plupart des grands leaders mondiaux du gaz ont répondu à l’appel à manifestation d’intérêt lancé en octobre par Leila Benali pour construire une barge flottante de regazéification et de stockage (FSRU) permettant au royaume d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) par voie maritime.

EDF, Total Énergies, le consortium chinois China Road & Bridge Corp (CRBC)-China Communications Construction Co (CCCC)-Wison Engineering, les Japonais Itochu, Marubeni, Mitsui et Mitsubishi majors, l’Italienne ENI, la Néerlandaise Shell et Britannique BP (entre autres) ont ainsi tous fait part de leur intérêt.

Il faut savoir que si le royaume  est bien dans les cartons de l’exécutif espagnol et du chef d’Etat qatari, Rabat jouit d’une grande proximité diplomatique avec l’émir du Qatar, en témoigne la visite en février du premier ministre Aziz Akhannouch au Qatar pour participer aux travaux de la haute commission mixte, accompagné justement de la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable Leila Benali qui a ses entrées aussi bien à Qatargas que chez Adnoc (Abu Dhabi National Oil Co).

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Abdellatif El Azizi