Jaafar Heikel: « l’innovation doit être un outil de prévention »

 Jaafar Heikel: « l’innovation doit être un outil de prévention »

Professeur Jaafar Heikel


FUTUR.E.S in Africa débute aujourd'hui à Casablanca pour « débattre avec ceux qui font l'innovation en Afrique ». Le Professeur Jaafar Heikel est l'un d'entre eux. Il est expert en management sanitaire, épidémiologiste et spécialiste en maladies infectieuses, et président du comité scientifique du groupe international de management en santé INISAN au Maroc. Interview.


Cette nouvelle édition de FUTUR.E.S in Africa a pour objectif de « débattre avec ceux qui font l’innovation en Afrique ». Il était temps, non ?



Oui tout à fait, il était temps qu’on s’intéresse à l’innovation en Afrique ! Aujourd’hui, au-delà dela croissance économique que connaît le continent, les systèmes de santé africains deviennent un levier majeur. Si nous nemettons pas rapidement en place des outils d’innovation, l’Afrique ne pourra jamais prendre en charge son système de santé. Quatre pays africains seulement ont réussi ce pari :le Malawi, le Swaziland, l'Afrique du Sud et l'Éthiopie. La Tunisie et l’Ouganda y sont presque. Ces pays, majoritairement anglophones, ont réussi à s’approcher des 15% du budget de l’étatréservé à la santé. Cela ne veut pas dire qu’ils ont réussi à avoir un système de santé supérieur mais cela y contribue. C’est un indicateur. Plus que jamais, l’innovation doit être utiliséecomme un outil de prévention, dans un contexte de besoin de santé.



L’objectif de ce rendez-vous est d’aller chercher les publics éloignés du numérique. Comment faire pour capter celles et ceux qui sont isolés de cette révolution numérique en Afrique ?



Cet événement, à mon sens, ne s’adresse pas directement à la population concernée mais plus aux relais, aux institutions gouvernementales, aux professionnels de santé,à la société civile, aux intermédiaires pour faire accéder la population au numérique, afin d’améliorer la santé des citoyens. Saviez-vous qu’il y a aujourd’hui plus de personnes connectées à internet qu’à l’eau potable en Afrique ! Le téléphone portable ou d'autres supports numériques sont un outil qui doit permettre une meilleure accessibilité aux soins. On ne va pas créer des hôpitaux partout, en revanche on peut donner un accès aux soins aux personnes isolées géographiquement, via internet.



Vous prendrez la parole lors de la session « À quelles conditions les solutions de e-santé garantissent-elles un système de soin universel et performant pour le continent ? ». Quel est le défi numéro 1 du numérique en matière de santé ?



C'est le préventif. L'outil numérique est fondamental pour faire de la prévention afin de faire en sorte que les gens évitent un certain nombre de pathologies. En Afrique, on meurt encore aujourd'hui de maladies infectieuses. Mais la principale cause de mortalité reste les maladies non transmissibles, telles que le diabète, le cancer, les traumatismes ou encore les maladies liées à l'obésité. On a plus de chance de mourir d'un traumatisme routier ou de maladies non transmissibles que d'une maladie infectieuse. Et la prévention de ces maladies permettrait d'économiser l'équivalent de 2,5 points en PIB. 


Propos recueillis par Chloé Juhel





 

Chloé Juhel