Un réfugié afghan veut lancer des drones au secours des naufragés

 Un réfugié afghan veut lancer des drones au secours des naufragés

Aujourd’hui universitaire à New York après avoir émigré depuis l’Afghanistan


Sur une plage de galets de l'île grecque de Lesbos, Mehdi Salehi cherche un bon emplacement pour lancer le drone qu'il a conçu afin de secourir les réfugiés naufragés en tentant de gagner l'Europe par la Méditerranée. Il y a quinze ans, cet Afghan de 33 ans avait suivi la même route en fuyant les talibans, au prix d'une périlleuse traversée de la mer Égée entre la Turquie et la Grèce. 


 


Des drones pour aider les secouristes


Des centaines de personnes se sont noyées dans ce bras de mer durant l'exode de 2015, dont un grand nombre au large de Lesbos. « Grâce à la technologie dont nous disposons actuellement, smartphones ou drones, les gens ne devraient pas se noyer en mer », dit M. Salehi. Son projet « Drones pour les réfugiés » en phase pilote actuellement, vise à aider les équipes de sauvetage à repérer et approcher rapidement les embarcations des migrants en difficulté. L'objectif est de réduire le laps de temps entre naufrage et sauvetage, qui s'avère souvent fatal.


D'ici à la fin de l'année, ce trentenaire ambitionne de construire de grands drones pour couvrir des espaces étendus en Méditerranée. Son projet est autofinancé, mais pour des drones d'une longue autonomie de vol, un parrainage sera indispensable, explique-t-il.


De New York, où il est désormais installé et maître de conférences à la prestigieuse école Parsons d'art et de design, il s'est résolu à mettre à profit ses compétences, en réaction aux images qui ont fait le tour du monde des canots pneumatiques débordés de réfugiés, des naufrages et des cadavres en mer Égée. Avec le soutien de l'école Parsons, Mehdi Salehi et sa partenaire Kristen ont acheté un drone, qu'ils ont adapté en l'équipant de caméras, de capteurs et de moyens d'échange de données, tout en créant une plateforme web.


 


Des informations précieuses


Les images provenant des caméras et des capteurs infrarouges peuvent être diffusées en temps réel sur un site web ou sur les appareils portables utilisés par les garde-côtes, les sauveteurs ou l'équipage des bateaux. « C'est important de travailler avec les sauveteurs, ça permet de mieux adapter les drones et la plateforme des données à nos objectifs », explique M. Salehi. Et « les drones peuvent être utilisés pour le bien, pas seulement à des fins militaires », assène-t-il.


Pour Esther Camps, coordinatrice de l'équipe de sauvetage ProActiva en mer Égée, ce projet pourrait fournir des informations précieuses sur « les besoins en aide médicale ou en gilets de sauvetage pour les réfugiés sur des embarcations en difficulté ». Sans ces informations « notre tâche est très difficile. Il faut naviguer trois ou quatre heures pour repérer les embarcations des réfugiés », explique-t-elle.


 


Les capacités de s’épanouir et de contribuer à l’économie


Mehdi Salehi connaît bien lui-même les difficultés de la traversée de la mer Égée, qu'il a affrontées avec un ami en 2001 pour rallier l'île de Chios, près de Lesbos. « Nous n'avions pas d'argent pour payer des passeurs, nous ne savions pas nager, et c'était la première fois que je me trouvais en mer », raconte-t-il.


Le duo s'est débrouillé en achetant une carte pour localiser l'île grecque la plus proche des côtes turques, et en se procurant une embarcation plastique pour enfants, pour 20 dollars à Izmir en Turquie. « C'était une décision risquée, nous étions des jeunes naïfs », se souvient-il en souriant. Emprisonné à son arrivée, il est parvenu à demander l’asile en Grèce avec le soutien de l'ONG Amnesty International.


« J'ai eu de la chance. Plusieurs personnes m'ont aidé en Grèce. Elles m'ont encouragé et avaient confiance en moi. C'est cela dont les réfugiés ont besoin : trouver l'occasion pour s'épanouir », confie-t-il. Car « la vie est dure : nous arrivons dans un pays différent, dans un environnement différent. Mais nous pouvons étudier, travailler, contribuer à l'économie s'ils nous laissent faire », ajoute-t-il.


Après avoir obtenu l'asile en Grèce et un troisième cycle en architecture à l'université de Volos (centre) en 2011, Mehdi Salehi a déménagé aux États-Unis, où il a obtenu un deuxième master en conception technologique à la Parsons School.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif