Le camp d’été décolonial fait polémique

 Le camp d’été décolonial fait polémique


 


Après la polémique stérile sur l’explosion imaginaire du burkini sur les plages de notre pays, la tenue « d’un camp d’été décolonial non-mixte », dénoncés par certains comme « anti-blanc », devrait nous occuper pendant quelques jours.


 


C'est aujourd'hui, jeudi 25 août, et jusqu'au 28 août, que commence au centre International de Séjour à Reims (CIS), un lieu privé, le camp d'été décolonial. Au programme de ce séminaire de formation à l'antiracisme politique, des ateliers d'écriture pour «décoloniser l'imagination», des outils pour «construire une lutte anticapitaliste décoloniale à l'échelle de l'UE», mais aussi «lutter contre la négrophobie des personnes racisé.e.s non noir.e.s», et «combattre les politiques anti-migrations». Ce n’est donc pas le fond de la rencontre qui dérange, mais qu'elle soit exclusivement ouvert aux « victimes du racisme d’état ». «Le camp d'été est réservé uniquement aux personnes subissant à titre personnel le racisme d'État en contexte français, nous accepterons cependant quelques inscriptions de personnes subissant le racisme d'État mais vivants dans d'autres pays», disent clairement les organisatrices sur leur site internet.


A l’initiative de cet événement controversé, on retrouve Sihame Assbague, militante anti-raciste, ancienne porte-parole du Collectif «stop au contrôle au faciès», membre du Collectif Mafed, Marche des femmes pour la dignité, et Fania Noël, qui se présente comme une «afroféministe anticapitaliste, anticolonialiste et anti-impérialiste». Dès l’annonce du colloque en avril dernier, certains ont vivement critiqué la rencontre, la qualifiant de « raciste anti-blanc ». 



Pour la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), «le travail de prise de conscience fait par les associations de lutte contre le racisme est légitime, mais ne doit jamais être fait de façon provocatrice d’autant que si l’accès est vraiment restreint, cela devient en plus illégal», a critiqué Noémie Michelin, responsable de l’antenne rémoise de la Licra, jugeant la rencontre « discriminante ». En revanche, pour Martine Solczanski, directrice du centre International de Séjour, le séminaire n’interfère pas avec les principes de non-discrimination défendus par son établissement. «Nous avons traité leur demande de réservation comme tous les groupes et professionnellement ça ne me pose pas de problème», a-t-elle réagi.


180 personnes sont donc attendues pour ces quatre jours. Les inscriptions ont été faites au préalable et selon nos informations, « seuls les inscrits seront admis » et « aucune exception ne sera faite ».


« Nous critiquer sur la non-mixité est quand même très osé, surtout venant de la bouche de ceux qui l’utilise tous les jours, au Sénat, à l’Assemblée, au CAC 40, dans tous les organes du pouvoir », raille un participant. « Nous qualifier d’anti-blanc, juste parce que nous désirons nous réunir ensemble l'espace d'un moment est ridicule. Nous ne pratiquons pas la non-mixité tous les jours. Bien au contraire ! Nous travaillons tous les jours avec des associations, où énormément de Blancs sont présents », explique une autre militante. Un «entre-soi » qui s’explique en partie par la défiance que beaucoup ressentent vis à vis des associations anti-racistes classiques. « Plus nous militons et plus nous nous rendons compte que le rouleau compresseur de l’antiracisme moral aka Touche-pas-à-mon-pote a fait des dégâts et a très largement contribué à la dépolitisation de ces sujets », explique les organisatrices.


« L’accès à la parole est déterminant. Il est donc primordial que les personnes qui subissent le racisme d’état puissent se retrouver ensemble pour s'organiser comme elles le désirent. Pour débattre comme elles l'entendent, pour exprimer leurs revendications, définir nos oppressions, et mettre en place nos stratégies », nous confie une jeune femme, proche des organisatrices. « Nous devons diriger nos luttes. Nous avons compris que comme pour les luttes féministes, la non-mixité, doit demeurer la pratique de base de toute lutte. Et c’est à ce moment-là que nous pourrons construire d’autres alliances. Sinon, les mêmes mécanismes de domination reviendront », conclut encore cette jeune fille.


 


Nadir Dendoune


 


 

Nadir Dendoune