France. Rassemblement en mémoire de Brahim Bouarram

 France. Rassemblement en mémoire de Brahim Bouarram

Pour Éva Joly (ici aux côtés du jeune Saïd Bouarram)


Ce mardi matin, plus de 250 personnes se sont réunies sur le pont du Carrousel à Paris pour rendre hommage à Brahim Bouarram, tué par des militants du Front National en 1995. Les associations présentes ainsi que les représentants des partis ont tenu à faire passer un message de paix et de résistance face à la montée du racisme. (Photo LCDA)




 


« Je remercie tout le monde de ne pas oublier ce qui est arrivé ici », s’exclame Saïd Bouarram, 26 ans, fils du défunt, la voix chargée d’émotion. Voilà 17 ans que son père a été tué ici même, sur le pont du Carrousel. Des militants FN venaient de quitter le défilé frontiste et s’en étaient pris à Brahim, coupable de ne pas avoir la « bonne » couleur.


Alors que le défilé du Front National se déroule à quelques mètres du pont du Carrousel, plus de 250 personnes ont fait le déplacement pour lui rendre hommage et dénoncer ce racisme latent. « Aujourd’hui, plus que jamais, il faut faire attention à cette banalisation du racisme et à son instrumentalisation par le gouvernement », prévient Nacer El Idrissi, membre de l’association des travailleurs maghrébins de France (ATMF).


 


« Les valeurs de la République sont souillées »


Alors que toutes les caméras s’affairent autour de Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche), le pont continue de se remplir. MRAP, Ligue des droits de l’homme, GISTI et de nombreuses autres associations sont venues. « Année après année, nous continuerons de nous battre pour que plus jamais ne se produise un crime de haine », nous lance Saïda, « citoyenne du monde ».


« C’est quand même lui (Sarkozy) qui a fait le jeu du Front National », s’indigne Thomas, jeune étudiant parisien. Pour beaucoup ici, le président sortant est à l’origine de cette montée de la xénophobie qui ne cesse de « polluer notre pays ».


« Nicolas Sarkozy a souillé les valeurs de la République », n’hésite pas à dire Nacer. Pour lui, le gouvernement a tenté « de diviser la population pour mieux véhiculer les idées racistes ». « Il faut faire barrage à cette instrumentalisation de la division », lance-t-il.


La candidate d’Europe Ecologie les Verts a également fait le déplacement. Pour Éva Joly, le « décès de Brahim est emblématique de ce que donne la théorie de la haine et du racisme ». « Sarkozy a tenu pendant 5 ans et durant toute sa campagne un discours d’exclusion. Il est important d’être là aujourd’hui pour dire qu’il y a une autre France qui refuse ce discours », nous dit-elle.


 


« Le racisme est une maladie qu’il faut éradiquer »


La cérémonie commence. Plusieurs responsables associatifs prennent la parole et une minute de silence est respectée à la mémoire de Brahim. Saïd Bouarram prend la parole pour « encore remercier ». Difficile pour lui d’en dire beaucoup plus : « Cet endroit me rappelle mon père », explique-t-il les larmes aux yeux.


Le président de l’ATMF lui emboîte le pas. Il revient sur les faits, sur ce triste 1er mai 1995. « Le racisme est une maladie qu’il faut éradiquer », lance-t-il sous les applaudissements. Selon lui, hors de question de « banaliser les idées frontistes en parlant d’un vote de souffrance ». « Que dire de la souffrance des musulmans, des sans-papiers, des chômeurs ? », interroge-t-il. Il s’inquiète du « discours de haine anti-immigrés qui monte en France et en Europe » et appelle « à se battre pour l’égalité des droits et le vivre ensemble ».


« La France est de toutes les couleurs », lance la présidente du MRAP. « No Pasaran », hurle un jeune militant du Front de gauche.


 


« Il faut prolonger ce rassemblement »


Un cortège se forme. Au premier rang, Saïd Bouarram et Éva Joly, côte à côte. Sur le quai de Seine, là où son père a été lâchement tué, Saïd jette une gerbe de fleurs. Chacun y va de son brin de muguet pour rendre hommage et « ne pas oublier ».


« Il faut prolonger ce rassemblement », nous confie une jeune militante de la LDH. « Il faut barrer la route au Front National et continuer de célébrer le respect de la diversité », assure-t-elle.


Au bord de l’eau, Saïd regarde partir son bouquet avec des larmes d’émotion, il ne cache pas « sa tristesse » de n’avoir jamais pu vraiment « connaître son père ». Malgré cela, Saïd reste positif, « heureux de voir tout ce monde réuni pour rendre hommage à mon père ». « Il faut continuer à dire non au racisme », conclut-il, les yeux tournés vers l’horizon.


Jonathan Ardines




 

Jonathan Ardines