L’hommage de Brahim Bouarram oublié à cause du Covid-19

 L’hommage de Brahim Bouarram oublié à cause du Covid-19

Des fleurs ont été jetées dans la Seine lors d’une cérémonie en hommage à Brahim Bouarram


Pour la première fois depuis le 1er mai 1996, les médias ont oublié de parler du triste anniversaire de la mort de Brahim Bouarram, ce Marocain de 29 ans, jeté à la Seine le 1er mai 1995 par trois skinheads, venus manifester aux côtés du Front national pour l'hommage annuel à Jeanne d'Arc.


Depuis 24 ans, les militants associatifs se rendaient sur le Pont du Carrousel à Paris pour saluer la mémoire de feu Brahim Bouarram. Ce vendredi 1er mai 2020, Covid-19 oblige, ils n'ont pas pu  se recueillir "physiquement", mais les hommages ont tout de même eu lieu, virtuellement sur les réseaux sociaux. 


« Cette commémoration aurait eu une autre portée politique suite à l'actualité récente, et la banalisation du racisme, jusqu'au sein de notre police, cette police qui doit nous sauver des agressions », regrette Habiba Bigdade, maire adjointe à Nanterre (92), faisant référence a une interpellation policière survenue ce samedi 25 avril à l’Ile-Saint-Denis (93) où des policiers ont tenu des propos ouvertement racistes


"Un bicot comme ça, ça nage pas", "Ça coule, t'aurais dû lui accrocher un boulet au pied », a lâché en ricanant un policier du commissariat d’Asnières (92). 


« 25 ans après, nous continuons et continuerons chaque année d’honorer la mémoire de nos morts. Ils ne sont pas que des chiffres, des “bicots” ou des “bamboula”. Ils sont nos pères, frères, enfants, oncles, cousins. Ni oubli, ni pardon », a réagi de son côté Wiam Berhouma, professeur d’anglais à Noisy-Le-Sec (93). 


Le 1er mai 1995, vers 11h30, sur le pont du Carrousel du Louvre, trois skinheads, venus manifester aux côtés du Front national pour l'hommage annuel à Jeanne d'Arc, se dirigent en courant vers les quais de Seine. Brahim Bouarram, un Marocain de 29 ans profite d’une journée ensoleillée sous le pont du Carrousel à Paris.


Il marche tranquillement sur les berges. Les militants du Front national l'aperçoivent : trois d'entre eux agressent Brahim avant de le jeter dans la Seine. En quelques minutes, tout est plié. Brahim Bouarram, un épicier, papa de deux enfants, meurt quelques minutes plus tard, noyé.


Un assassinat qui intervient quelques mois après celui d'Ibrahim Ali, un jeune de 17 ans, abattu dans le dos à Marseille le 22 février 1995, d'une balle de calibre 22 long rifle, tirée par un colleur d'affiche du FN.


À une semaine du deuxième tour de l'élection présidentielle de 1995, le meurtre a eu un retentissement national. Deux jours plus tard, le président sortant, François Mitterrand, rend hommage à la victime en jetant un brin de muguet dans la Seine, à l'endroit ou Brahim Bouarram s'est noyé.


Ce même jour, une manifestation réunit 12.000 personnes contre le racisme. Jean-Marie Le Pen, alors président du Front national déclare peu après : "Je regrette qu'un malheureux se soit noyé, mais dans une agglomération de 10 millions d'habitants, ce genre de fait divers peut toujours se produire, ou même être créé à volonté."


Pour ne pas oublier cet ignoble assassinat, depuis 24 ans, partis de gauche, associations, militants et anonymes se donnent rendez-vous chaque 1er mai sur le pont du Carrousel du Louvre, à Paris, où a donc eu lieu le drame. Sauf cette année donc, à cause de l’épidémie du Covid-19. Nous les retrouverons si tout se passe bien le 1er mai 2021….

Nadir Dendoune