Tunisie. Intégralement en français, le premier discours d’Ahmed Hachani fait polémique

 Tunisie. Intégralement en français, le premier discours d’Ahmed Hachani fait polémique

Un chef de gouvernement qui ne maîtrise pas la langue officielle du pays qu’il dirige peut-il gérer efficacement ses dossiers sans entraves ? C’est la question légitime que de nombreux Tunisiens se posent après avoir découvert cette semaine que leur Premier ministre, Ahmed Hachani, est francophone non pas par choix mais par nécessité. 

 

Impitoyables, les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie ces dernières 48 heures où les montages mettant l’accent sur les piètres qualités d’orateur de Hachani se multiplient. « Voilà donc pourquoi il était resté silencieux depuis sa nomination il y a deux mois ! », ironise-t-on.

Dans cette allocution entièrement prononcée en français, le chef du gouvernement a fait valoir lors de la signature, le 26 septembre 2023, d’un accord pour la réalisation d’une centrale électrique photovoltaïque à El Metbasta dans le gouvernorat de Kairouan, l’importance pour la Tunisie de faire face aux défis du changement climatique, notamment les catastrophes naturelles telles que les inondations et les vagues de chaleur.

Il a par ailleurs noté que ce projet vise à diversifier les sources d’énergie en se tournant vers des énergies propres et à maîtriser les technologies photovoltaïques afin d’accompagner la transition énergétique du pays.

« La Tunisie, à travers la réalisation de projets d’énergies alternatives, vise à améliorer son indépendance énergétique, diversifier son mix énergétique, réduire les subventions au secteur de l’énergie, promouvoir l’économie verte et contribuer aux efforts mondiaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre », a-t-il souligné.

 

Une entorse au protocole

Lors de ce baptême du feu de son premier discours public après sa nomination le 1er août dernier, Hachani a exprimé sa satisfaction quant à la signature de cet accord devant diverses personnalités présentes, dont des ministres, des ambassadeurs et des représentants d’organismes donateurs. Si la présence d’un auditoire étranger peut justifier qu’un officiel s’exprime dans la langue du pays ou de l’institution qui l’invite, s’exprimer dans une langue étrangère lorsque l’on est le maître des lieux, chez soi, en s’adressant surtout à des Tunisiens, constitue une incongruité protocolaire, inédite en Tunisie.

Avant Hachani, c’est Najla Bouden, sa prédécesseur à ce poste, elle aussi exclusivement francophone, qui avait été confrontée à la tâche paralysante pour elle que constituait l’exercice de la prise de parole publique en langue arabe. Si bien que des experts en communication lui ont conseillé d’opter pour l’arabe tunisien dialectal.

« Tout le monde peut constater en visionnant sa prestation de serment qu’Ahmed Hachani n’a visiblement pas une bonne maîtrise de la langue arabe, ni littéraire, ni dialectal. Or, cela est un aspect important des compétences requises par un chef du gouvernement censé expliciter les politiques publiques aux citoyens », avait déjà déploré l’activiste politique Adnane Belhajamor, dès la prise de fonction du locataire de la Kasbah.

Il est étonnant que cet acharnement à nommer des chefs de gouvernement incapables de lire correctement une phrase en arabe provienne d’un panarabiste arabophile invétéré comme le président Kais Saïed. Quoique certains spéculent qu’il s’agit là d’un choix délibéré, le meilleur qui soit en réalité lorsque l’on préfère avoir un exécutant effacé, voire idéalement muet à ce poste.

Inconnu au bataillon avant d’avoir été choisi par Saïed dont il est un ancien camarade de la fac de droit, Ahmed Hachani est le fils de Thérèse Le Gall, une française d’origine bretonne, et de Salah Hachani, officier de l’armée tunisienne exécuté en 1963 pour sa participation au complot contre Habib Bourguiba en 1962.

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Seif Soudani