La Révolution tunisienne s’expose à Marseille

 La Révolution tunisienne s’expose à Marseille


Après le musée du Bardo à Tunis, l’exposition « Before the 14th, Instant tunisien » fait escale au Musée des civilisations d’Europe et de Méditerranée (Mucem) de Marseille. Grâce à un précieux travail d’archivage des témoignages numériques, elle plonge le visiteur dans l’ambiance des 29 jours de la Révolution tunisienne.


C’est une véritable plongée au cœur de l’action que propose l’exposition « Before the 14th, Instant tunisien ». Une action vue à travers le petit capteur des téléphones portables de l’époque, qui ont été massivement utilisés par les manifestants pour capter l’instant et diffuser des photos et vidéos sur les réseaux sociaux, véritables catalyseurs de l’insurrection. Certaines de ces images ont fait le tour du monde en étant reprises par les médias internationaux, lorsqu’il était extrêmement compliqué pour eux de rendre compte de la situation dans les régions intérieures du pays, épicentres de la contestation.


Or, les instruments qui ont permis de documenter les événements, de les relayer en masse, de mobiliser les foules et finalement de mener à bien le changement de régime n’avaient pas vocation à les conserver pour la postérité. Pire, en raison de la rapidité avec laquelle les téléphones et ordinateurs sont remplacés, tous ces précieux témoignages ont bien failli disparaître. C’est le chercheur français Jean-Marc Salmon qui a tiré la sonnette d’alarme en voyant ce patrimoine commencer à s’éroder. Son enquête de terrain a abouti au livre « 29 Jours de révolution : histoire du soulèvement tunisien ».


Le constat a permis aussi de lancer une vaste opération de collecte des témoignages numériques de la révolution. Le collectif Doustourna, né dans l’euphorie postrévolutionnaire pour porter un modèle de société progressiste, a pu mener à bien l’immense puzzle consistant à rassembler, vérifier et trier toute cette matière. « Au total, nous avons récolté 1 500 vidéos, autant de photos et 2 500 éléments Web ou Facebook », indique Hechmi Ben Frej, militant historique de la gauche tunisienne et membre de Doustourna.


 


La Révolution comme si vous y étiez


Le fruit de ce travail a été exposé plusieurs mois au musée du Bardo à Tunis lors d’une exposition inaugurée par l’actuel président tunisien, Béji Caid Essebsi. C’est au tour du Mucem de l’accueillir pour six mois, jusqu’au 30 septembre 2019.


« Les vidéos sont un des éléments, disons, “vivants” de l’exposition. Elles permettent de restituer l’ambiance, le souffle des événements, de donner chair au récit. Elles témoignent de ce besoin de l’individu de garder trace de ce qui se passe », explique au journal l’Humanité Houria Abdelkafi, commissaire générale de l’exposition.


Le visiteur a ainsi l’occasion de revivre chronologiquement le déroulé des événements jour par jour, et même heure par heure à certains moments clé de la révolution, comment les jours suivant le 17 décembre 2010 ou le 14 janvier, qui a vu la fuite du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.


Pour Élisabeth Cestor, commissaire associée, « l’authentification et la datation de ces vidéos furent particulièrement difficiles. Il fallait par exemple identifier celles qui étaient issues de montages déformant les faits. Aussi, un logiciel permettait, à partir d’un examen très précis des images (par exemple, les ombres sur le sol), de retracer heure par heure le parcours des manifestants ». Un travail de longue haleine qui pose aussi la question de la place de ces nouveaux supports dans notre mémoire collective et dans l’écriture de l’Histoire avec un grand H.


Rached Cherif

Rached Cherif