Un ex-ministre algérien de la Défense poursuivi pour crimes contre l’humanité en Suisse

 Un ex-ministre algérien de la Défense poursuivi pour crimes contre l’humanité en Suisse

Khaled Nezzar a notamment occupé les fonctions de chef d’état-major et de ministre de la Défense jusqu’en 1993, en pleine guerre civile algérienne. Ryad KRAMDI / AFP

La justice suisse a annoncé l’inculpation de l’ancien ministre algérien de la Défense Khaled Nezzar pour crimes contre l’humanité. La procédure porte notamment sur des actes de torture durant la guerre civile des années 1990 en Algérie.

La justice suisse a annoncé cette semaine que l’ancien ministre algérien de la Défense, Khaled Nezzar, a été mis en accusation pour crimes contre l’humanité, notamment pour son rôle présumé dans l’approbation et la coordination de tortures durant la guerre civile qui a secoué l’Algérie dans les années 1990. Le ministère public de la Confédération (MPC), responsable de l’affaire, a indiqué dans un communiqué que Nezzar, en tant que ministre de la Défense et membre du Haut Comité d’État, aurait créé des structures visant à réprimer violemment l’opposition islamiste.

Lire aussi >> « Papicha », une plongée douloureuse dans la décennie noire

Le MPC a précisé que ces actions ont conduit à des crimes de guerre ainsi qu’à des persécutions généralisées et systématiques à l’encontre de civils accusés de sympathiser avec les opposants. L’ancien ministre, âgé de 85 ans aujourd’hui, avait été interpellé en 2011 à Genève en raison d’une plainte déposée par l’ONG TRIAL International, mais avait été relâché et avait quitté la Suisse.

Plus d’une décennie de procédure

La complexité de l’affaire a été marquée par des développements juridiques successifs. En 2017, le procureur général avait classé l’affaire, arguant que la guerre civile algérienne ne pouvait pas être qualifiée de « conflit armé interne », reléguant ainsi la Suisse hors de sa compétence pour juger des crimes de guerre éventuels dans ce contexte. En 2011 déjà, l’ancien ministre se disait victime d’un « complot » dans le cadre de cette enquête.

Cependant, en 2018, le Tribunal pénal fédéral a déterminé que les affrontements avaient atteint un niveau de violence comparable aux critères d’un conflit armé selon les Conventions de Genève et la jurisprudence internationale. Une décision qui avait permis au MPC de reprendre l’enquête.

Des faits remontant à 1992

Après avoir auditionné un total de 24 personnes, le procureur général a déposé l’acte d’accusation le 28 août. Nezzar est désormais renvoyé devant le Tribunal pénal fédéral pour des accusations d’infractions au droit international humanitaire, en lien avec les Conventions de Genève, survenues entre 1992 et 1994 dans le cadre de la guerre civile en Algérie, ainsi que pour crimes contre l’humanité.

Les accusations portées contre lui incluent notamment l’approbation, la coordination et l’encouragement délibéré de tortures, d’actes cruels et de violations des droits fondamentaux. Le MPC a documenté onze états de fait se produisant entre 1992 et 1994. La guerre civile algérienne a officiellement causé la mort de 200 000 personnes, dont de nombreux civils, et a profondément marqué l’histoire du pays.

Rached Cherif