Mounia Magueri, sa comédie humaine

 Mounia Magueri, sa comédie humaine

Mounia Magueri

 

Connue pour ses rôles au cinéma marocain et ses personnages hauts en couleur sur le web, l’actrice installée dans l’Yonne, consacre une partie de son temps à aider les femmes migrantes, battues ou en difficulté.

 

 

Un regard vif et perçant, une voix douce et ferme et une écoute exceptionnelle. Avec sa personnalité hors du commun, Mounia Magueri, enfant des Habous de Casablanca, consacre sa vie au don de soi. Une “responsabilité” qu’elle lie à son histoire familiale. “Je suis une enfant adoptée, confie-t-elle. Je suis le fruit d’une maman qui n’a pas pu élever son enfant, car elle avait ‘fauté’”

 

Ses parents adoptifs l’encouragent dans tous ses projets. et quand elle décide de suivre des études de théâtre, sa mère l’inscrit à l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (Isadac) de Rabat. Puis elle s’envole pour Avignon, afin de se perfectionner. Après cinq mois d’apprentissage, elle rejoint l’une des plus grandes compagnies de théâtre de rue, Générik Vapeur. Une expérience de cinq années qui va marquer la jeune fille. “Le théâtre de rue m’a fait découvrir la notion de citoyenneté. On est en direct avec le public et le retour est immédiat.”

 

 

Chakib Osfour, personnage populaire et truculent

 

Toujours en contact avec son pays d’origine, elle devient par ailleurs Youtubeuse. Naît alors une panoplie de personnages “qui existent vraiment”. Chakib Osfour est l’un d’eux : un Casablancais “cassé”, qui avec un machisme certain mais une bonne dose d’humour, évoque ses problématiques sexuelles et autres complexités de la vie quotidienne marocaine. C’est un carton sur le web !

 

Elle profite de sa notoriété pour défendre les femmes battues au Maroc, même si les violences dépassent le cadre du genre. “Il ne s’agit pas d’un combat hommes-femmes. Il s’agit d’un humain qui frappe un autre humain, explique Mounia. Je suis pour le respect de l’humain, plus humaniste que féministe.”

 

Désormais installée en Bourgogne, elle décide de faire de son association Accompagnement social par l’interprétariat et les arts (Asia) un point de rencontres et d’écoute. Au programme : cours de théâtre, contes pour enfants, mais aussi aide sociale et psychologique… Entourée de bénévoles comme Shéhérazade, à qui elle a donné la possibilité de “sortir de sa maladie et de se sentir utile”, ou Damien “qui a renoué avec la société” après en être sorti, elle voit dans cette association la possibilité pour tout un chacun de proposer son aide. “L’assiette qu’on sort pour les pauvres ne suffit plus. Il faut aller plus loin, affirme Mounia Magueri. Quelle vie voulons-nous ? Ce qui est dans la rue peut se retrouver dans votre maison.”

 

 

“Les mentalités doivent changer au Maroc”

 

Lors d’un entretien avec une femme qui a été battue, l’actrice se transforme : elle rit, dédramatise, avant de reprendre son sérieux. “Maintenant, on va parler du fond. Que fais-tu pour surmonter cette violence ?”, demande-t-elle à Fatima*. Son but : redonner de la “fierté” à ces femmes.

 

Si Mounia trouve que beaucoup est fait en France, elle déplore le peu d’avancées sur ce sujet au Maroc. “Si tu viens d’un bidonville avec des sandales et que tu dis que ton mari t’a frappée, personne ne t’écoute, s’énerve Mounia. Ce n’est pas normal. Les mentalités doivent changer pour que la femme battue soit ‘vraiment’ considérée comme une victime.” Celle qui veut faire du “50-50” entre les arts et le social ne baisse jamais la garde. Son téléphone toujours a proximité, elle reste sur le qui-vive. On ne sait jamais. Une femme pourrait avoir besoin d’elle.

 

* le prénom a été changé

 

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.