Tanger, la Singapour de l’Afrique

 Tanger, la Singapour de l’Afrique

En termes d’affaires sur le continent


Haut lieu de transit et d’affaires, la ville marocaine accueille chaque année des milliards d’euros d’investissements. Les grandes entreprises s’y bousculent, tandis que son territoire s’aménage.


Longtemps nid d’espions et d’aventuriers, Tanger est en train de perdre cet attrait mythique pour les nostalgiques de la ville internationale du temps du protectorat. Aujourd’hui, c’est une destination incontournable pour qui veut avoir un ticket d’entrée en Afrique. Bien sûr, c’est le business qui attire le plus les Occidentaux, et, en termes d’affaires sur le continent, Tanger est devenue “the place to be”. Le groupe Renault y a investi et en tire déjà de gros bénéfices. D’autres constructeurs automobiles s’y bousculent. Toutes les grandes entreprises du monde veulent avoir un pied-à-terre dans la région, laquelle accueille chaque année des milliards d’euros d’investissement.


 


Une dynamique coûteuse mais fructueuse


Pour relever le défi du développement urbain et durable de la ville, Mohammed VI a amorcé une dynamique coûteuse, lourde, mais qui porte déjà ses fruits. Tanger Med en est l’exemple. Ce port “géant”, entré en service il y a à peine une dizaine d’années, est déjà devenu le premier port de transbordement d’Afrique. La région nordiste ­figure parmi les priorités du Plan d’accélération industrielle 2014-2020 du gouvernement marocain et bénéficie de grands projets structurants, comme le TGV ou la cité automobile. Ce centre d’affaires international, branché sur tous les fuseaux horaires de la planète, est aujourd’hui une porte d’entrée et de sortie pour l’immense voisin européen, et plus encore.


Pour qui veut bien comprendre l’identité profonde de Tanger, ses racines africaines, il faut rappeler une ­histoire intimement liée à sa position géographique. Située à quelques encablures de l’Espagne, territoire de toutes les possibilités mais aussi de toutes les convoitises, la ville a été dépecée par les puissances occidentales. Aussi lui a-t-on attribué le rôle d’interface entre ces puissances régionales en pleine ascension et le reste de l’Afrique.


 


Une profondeur africaine


Aujourd’hui, contrairement à ce qu’on pense, les voyageurs préfèrent encore y transiter pour se rendre sur le continent africain, en attendant la construction du plus grand pont maritime du monde entre la ville du détroit et Algésiras. Pour les Sénégalais et autres Mauritaniens résidant en Europe, ou les Européens qui n’hésitent pas à attaquer de front les 3 300 kilomètres entre Tanger et Dakar, le voyage vaut le détour. A lui seul, ce périple est un dépaysement total.


Pour autant, on ne peut ignorer les inquiétudes tangéroises de voir les fruits de cette croissance s’envoler en raison de l’opacité, du trafic d’influence, et des autres joyeusetés qui caractérisent la gestion des finances au niveau du Conseil de la région du Nord. La crédibilité de Tanger comme levier de développement solide est en jeu. La perle de la Méditerranée doit relever ce défi, afin de ne pas perdre son éclat.


Et si le monarque, que l’on dit nourrir une grande ­affection pour les plages du nord, avait décidé de faire de Tanger un modèle de développement économique et d’aménagement urbain ? Une sorte de Singapour africaine en somme. 

Abdelatif Elazizi