El Ouardia : Des migrants saisissent la justice pour dénoncer leur détention

 El Ouardia : Des migrants saisissent la justice pour dénoncer leur détention

Le centre de rétention d’El Ouardia est régulièrement critiqué pour ses mauvaises conditions de vie et ses détentions arbitraires

Pour la première fois en Tunisie, la justice administrative devrait se pencher sur la rétention des migrants en situation irrégulière. Un groupe de détenus au centre d’El Ouardia saisit le tribunal administratif en urgence pour dénoncer une détention qu’ils estiment « arbitraire ».

Certains sont détenus depuis des mois, dans un lieu considéré d’un point de vue légal comme un centre d’hébergement et d’orientation. Mais, dans les faits, ce lieu dont ils ne peuvent pas sortir est utilisé comme un centre de détention. « Les migrants y sont privés de liberté sans aucun respect de leurs droits fondamentaux, en l’absence de procédures judiciaires conformes à la Constitution et aux standards internationaux », un communiqué conjoint de plusieurs ONG.

« Nous avons écrit au début de l’année des lettres à plusieurs ministères tunisiens. Nous demandions notamment à dont ceux de l’Intérieur et de la Justice quels étaient les fondements juridiques de ces détentions », explique Sherifa Riahi, directrice de Tunisie Terre d’Asile, l’une des trois ONG signataires. « Face au silence des autorités, nous sommes passés à la vitesse supérieure en aidant les migrants à saisir la justice », ajoute-t-elle.

Selon l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), également signataire du communiqué, le placement des migrants à Ouardia avant leur expulsion constituerait une détention arbitraire. En effet, les détenus ne sont pas notifiés de leur enfermement, ni par écrit, ni même souvent oralement. Ils n’ont pas non plus de possibilité de contester leur privation de liberté. « Les gens sont privés de liberté, hébergés dans chambres surpeuplées, ce qui les a mis en danger pendant l’épidémie », témoigne Mme Riahi qui s’est rendue récemment sur place. Les autorités du centre sont également régulièrement accusées d’organiser des opérations de déportation illégales vers les frontières terrestres avec l’Algérie.

Avec l’assistance d’un groupe d’avocats, plusieurs détenus ont donc saisi le 5 juin le tribunal administratif de Tunis afin qu’il joue son rôle de garant des droits. Ils espèrent qu’il ordonnera la cessation sans délai de la détention arbitraire, dont ils sont victimes.

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Détention hors de tout cadre légal

L’administration accuse les personnes placées à Ouardia d’entrée ou de séjour irrégulier sur le territoire tunisien. « Mais, une telle infraction ne peut suffire à justifier leur détention en dehors de toute procédure légale », signale le communiqué. Certains d’entre eux ont même déjà été jugés et emprisonnés pour ces faits avant d’être internés à Ouardia.

Or, en Tunisie, « aucun texte de loi en vigueur ne permet de soumettre des migrants à une forme de détention administrative », estiment les auteurs. Ils précisent que toute personne détenue doit être notifiée par écrit du fondement juridique de sa détention, de sa durée et de son droit à être assisté d’un avocat et d’un interprète. Elle doit également pouvoir saisir la justice pour qu’elle contrôle immédiatement la légalité de sa détention.

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Rached Cherif