Caméras-piétons : une mesure pour protéger les policiers selon les associations

 Caméras-piétons : une mesure pour protéger les policiers selon les associations

L’équipement des policiers en caméras portatives est une idée de Brice Hortefeux


Le gouvernement veut épingler des « caméras-piétons » sur l'uniforme des forces de l'ordre pour faciliter leurs interventions, une mesure saluée par la police qui loue son « effet modérateur », mais qui laisse sceptiques certaines associations de lutte contre les discriminations. Certaines dénoncent même une mesure visant à justifier l’usage de la force par la police.


 


Images et sons en haute définition


Accrochée sur le torse du policier ou du gendarme en patrouille, cette petite caméra embarquée va « faire partie de l'équipement classique des forces de l'ordre sur le terrain », a promis lundi Manuel Valls, à l'issue d'un comité interministériel consacré notamment à la lutte contre les discriminations, dix ans après les émeutes dans les banlieues.


Concrètement, les forces de l'ordre enregistrent lorsqu'elles le souhaitent les images en haute définition et les sons de leur intervention, l'écran de leur caméra montrant à la personne contrôlée ou interpellée qu'elle est filmée. Un dispositif censé « jouer un rôle dissuasif dans la montée des tensions et aider à prévenir le passage à l'acte violent », a expliqué le locataire de Matignon.


 


Les policiers applaudissent


Environ 1500 caméras – à 1000 euros l’unité – ont été déployées à titre expérimental en avril 2013 auprès des forces de police et de gendarmerie de plusieurs départements et dans 47 zones de sécurité prioritaires (ZSP) par Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur. L'objectif affiché était alors de « restaurer la relation des forces de l'ordre avec la population », parfois « méfiante et tendue » avec une partie de la jeunesse des quartiers, et apporter ainsi une réponse pour lutter contre les contrôles au faciès, une promesse de François Hollande avant la présidentielle.


Côté police, on salue « leur effet modérateur, unanimement constaté par les fonctionnaires ». « Elles permettent d'apaiser une situation tendue ou qui tend à se dégrader », explique-t-on à la direction générale de la police nationale. Un constat partagé unanimement par les syndicats de police. « C'est un dispositif qui a fait ses preuves, avec pour intérêt principal de limiter l'agressivité contre nos collègues ».


 


« Souriez, vous êtes… pris pour des imbéciles »


Pour le collectif Stop le contrôle au faciès, cette annonce « n'est certainement pas une application de l'engagement n°30 du candidat Hollande », car « seuls les policiers peuvent décider d'activer la caméra et (…) ont un accès prioritaire aux images ». Selon lui, « si le gouvernement avait voulu que cette mesure protège les citoyens, il aurait fallu exiger l'activation permanente des caméras, la nullité de tout contrôle d'identité, toute procédure d'outrage et rébellion, toute garde à vue en l'absence de vidéo pouvant en justifier le motif et permettre l'accès aux images sur simple demande au Défenseur des droits ». Le Premier ministre a précisé lundi qu'un statut législatif serait déterminé « afin d'encadrer les conditions d'usage des caméras-piétons et les conditions de traitement des vidéos », dans le cadre du projet de loi « égalité et citoyenneté » prévu au premier semestre 2016.


Dans un communiqué au vitriol intitulé « Souriez, vous êtes… pris pour des imbéciles », le collectif Stop le contrôle au faciès rappelle que cette mesure a été imaginée sous la présidence de Nicolas Sarkozy par « Brice Hortefeux pour protéger les policiers en cas d‘usage de la force » et non pour lutter contre les contrôles abusifs. Les signataires n’oublient pas que le ministère a décidé récemment de se pourvoir en cassation dans « le procès historique contre l’État pour contrôle au faciès » et qu’il a « encouragé les policiers à contrôler à tout va pour lutter contre le terrorisme ».


Dénonçant une annonce « d’un mauvais goût tout particulier » faite 10 ans presque jour pour jour après « la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré qui avaient fui un contrôle de police par simple peur d’une interaction avec la police », les associations du collectif « appellent les citoyens à s’organiser pour récupérer leurs propres vidéos, et le gouvernement à prendre ses responsabilités. »


Rached Cherif

Rached Cherif