Booder : « Monter sur scène est politique »

 Booder : « Monter sur scène est politique »

Crédit photo : Hout Kov


Après le triomphe de la pièce de théâtre “La Grande Evasion”, avec ses complices Wahid et Paul Séré, le comédien revient avec un deuxième one-man show. Irrésistible, il nous emmène dans son univers, entre ses galères d’artiste, l’éducation de son fils…


Comment avez-vous conçu ce nouveau spectacle ?


Tout était dans ma tête, mais je n’avais rien couché sur le ­papier, ce qui effrayait ma production. J’ai d’abord rodé mon show en banlieue ­parisienne, dans les quartiers populaires que je connais bien. On y rit beaucoup, les vannes font partie du quotidien. Si on me trouve drôle là-bas, alors je peux l’être partout, même dans un cimetière ! Puis j’ai pris le contre-pied et j’ai été joué à La Rochelle, où le plus jeune spectateur avait 62 ans. C’est très important de ne pas être communautaire et de s’adresser à un public large. Je glisse mes petits messages à tout le monde. Sans endosser le rôle des politiciens, bien sûr. Mais, déjà, monter sur scène, c’est politique. Quand j’ai besoin d’exprimer des choses, je ne fais pas de manif’, mais j’écris un spectacle.


 


Vous y évoquez notamment l’éducation de votre enfant…


Je suis un papa inquiet pour mon fils de 7 ans. Quand je lui ­demande le nom de notre président, il me répond “Macron ­démission”… Et quand je vois toute la violence présente dans les jeux vidéo, la télévision ou la rue, j’ai peur. Comment l’éduquer, lui transmettre de bonnes bases ?


 


Vous cultivez l’autodérision, dans cette société où l’apparence prime…


Oui, je sais rire de moi. Je pense aux jeunes adolescents qui ­subissent les moqueries de leurs camarades au collège, et finissent par se suicider parce qu’ils n’ont pas le physique qu’il faut. C’est à eux que je m’adresse : aimez-vous comme vous êtes, et ne vous occupez pas des autres.


 


Votre scolarité en BEP (brevet d’études professionnelles) vous a aussi inspiré…


Ça n’engage que moi, mais le BEP est une filière scolaire qui a détruit la jeunesse. Une seule note peut gâcher une soirée familiale, on te juge sur un bulletin scolaire, comme si tu passais au tribunal. Il suffit qu’un prof t’ait dans le collimateur pour que ta vie scolaire soit foutue. Quand tu arrives sur le marché du travail, personne ne t’embauche. Moi, je ne voulais pas aller dans cette branche, mais la conseillère d’orientation a “désorienté” mon père, comme je le raconte sur scène. Un élève qui ne comprend pas n’est pas bête, il a juste besoin de temps supplémentaire. Mais avec des classes de 30 élèves, l’enseignant ne peut pas s’attarder sur ceux qui ont plus de mal. La base d’un pays, c’est l’éducation. Quand l’école ne va pas, le reste non plus.


 


C’est important de rappeler que l’Islam est une religion de paix ?


Oui, car en France, les gens ne la connaissent pas. J’en ai marre qu’on m’amalgame avec des meurtriers. Je suis blessé, ému, triste de ce qu’ils commettent en notre nom, on n’a rien à voir avec eux ! Mon père m’a inculqué les valeurs du vrai Islam, le vivre-ensemble, la tolérance. On a grandi en harmonie avec des juifs, des chrétiens, des athées, des hindous… Mais les reportages à la télé préfèrent mettre la lumière sur des déséquilibrés qui n’ont rien compris à cette religion. 


 

La rédaction du Courrier de l'Atlas