« Je gère mieux la scène que les hommes de Darmanin gèrent les émeutes », Amazigh Kateb, chanteur de Gnawa Diffusion

 « Je gère mieux la scène que les hommes de Darmanin gèrent les émeutes », Amazigh Kateb, chanteur de Gnawa Diffusion

Le compositeur et chanteur algérien Amazigh Kateb, fondateur du groupe Gnawa diffusion, se produit lundi 3 juillet 2023, à la Maroquinerie à Paris pour un concert de soutien à Julian Assange. FETHI BELAID / AFP

Amazigh Kateb, chanteur du groupe grenoblois Gnawa Diffusion, donnait un concert au Cabaret Sauvage vendredi dernier (30 juin) dans le cadre du festival d’été de la salle parisienne. Entre deux balances, l’artiste algérien de 50 ans a répondu à nos questions. Ce lundi 3 juillet, il sera à la Maroquinerie à Paris pour un concert de soutien à Julian Assange.

LCDL : Vous êtes un habitué du Cabaret Sauvage…

Amazigh Kateb : Effectivement. C’est notre 8e concert ici ! Un immense plaisir à chaque fois de venir au Cabaret Sauvage. Au fil des années, cette salle a su grandir. Aujourd’hui, le Cabaret Sauvage est un lieu incontournable à Paris. C’est une salle unique, il n’y en pas d’eux comme elle. On est au bord de l’eau et l’endroit est tellement chaleureux, ouvert sur la nature. Ça change de la plupart des autres salles parisiennes.

Il y a 32 ans que Gnawa Diffusion voyait le jour…

Oui et je n’ai pas vu le temps passer ! Du groupe du départ, nous ne sommes plus que trois. Certains sont partis vivre loin, d’autres se sont mariés. C’est la vie. Mais il m’arrive de revoir ceux qui sont partis, on se fait toujours la bise. Au début de l’aventure, on partait toute l’année en tournée et on vivait dans le camion.

Forcément vivre sept sur sept avec des gens, c’était parfois tendu mais on ne s’est jamais battu. Nous ne sommes pas Kurt Cobain ! (Rires). Même avec nos désaccords, nous avons toujours su montrer du respect les uns envers les autres. Nous avons compris qu’il valait mieux parfois se séparer d’un collègue, afin de garder un ami… Aujourd’hui, on fait une cinquantaine de concerts par an, c’est plus tranquille.

32 ans, c’est une belle longévité. Comment l’expliquez-vous ? 

Avec Gnawa Diffusion, on a toujours essayé de faire quelque chose de contemporain tout en restant distant des tendances dominantes aussi bien dans les idées que dans la musique. Et le texte est toujours la trame centrale de notre musique. Sur le plan du style, on est très libre et on ne s’interdit rien. On mélange beaucoup de genres, c’est une musique métissée.

Quand avez-vous commencé à chanter ? 

A Alger, où j’ai grandi, j’apprenais les chansons par cœur pour pouvoir les chanter quand je me retrouvais dans les embouteillages ! Je n’avais pas d’autoradio à l’époque. J’avais demandé à mes parents qu’ils m’offrent des vinyles.

Puis, j’ai commencé à écrire des textes et je les ai insérés dans des musiques. Ça a commencé à prendre, comme quand on prépare un gâteau et qu’on le voit gonfler dans un four…

Justement, avez-vous gardé un lien avec l’Algérie ?

Bien entendu. J’y vais souvent. Je suis atterré comme beaucoup par la répression qui sévit actuellement. Le pouvoir algérien continue de maltraiter en toute impunité les opposants politiques.

Y a-t-il toujours un stress avant de monter sur scène ? 

Bien sûr ! Et il ne disparaîtra jamais ! Comme pour un match de boxe, si tu n’as pas le trac, tu ne vas pas loin dans le combat. Il y a le trac mais il y a aussi beaucoup d’adrénaline.

Bon, je gère mieux la scène que les hommes de Darmanin gèrent la rue et les émeutes ! Mais oui, même après 32 ans de concert, au moment de prendre le micro, y a une appréhension. Il faut poser sa voix, faire encore quelques réglages pour être dans le juste. Après quand tu entres dans la musique, quand ça commence à communiquer avec le public, j’oublie la peur et je me lâche.

Quels concerts vous ont-ils le plus marqué, dans le bon et dans le mauvais sens ?

Je me souviendrai toujours de ce concert à Asmara, capitale de l’Erythrée en 2000. On a chanté devant des enfants et des femmes, tous les hommes étaient au front, il y avait une guerre entre l’Erythrée et l’Ethiopie. A la fin du concert, ils sont tous venus nous serrer la main en nous remerciant. C’était très touchant parce que l’espace de ce concert, ils oubliaient l’horreur de leur quotidien.

Le moins bon souvenir d’un concert, c’était en Tunisie, au temps du dictateur Ben Ali. Les flics étaient montés sur scène parce qu’ils ne voulaient pas que les gens dansent. J’ai protesté en disant « Soit vous les laissez, soit je me barre ». C’était assez tendu et ils ont fini par nous laisser tranquille.

Dans 20 ans, vous vous voyez où ?

J’espère pouvoir chanter jusqu’à mon dernier souffle. J’aimerais bien mourir sur scène…

 

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Nadir Dendoune