La Tunisie parmi la liste des pays blacklistés par le FMI

 La Tunisie parmi la liste des pays blacklistés par le FMI

L’info avait été évoquée une première fois dès le 7 décembre lors d’un point presse du Fonds monétaire international. Mais le couperet est tombé de façon officielle aujourd’hui, soit un mois plus tard : le FMI révèle en effet dans un communiqué la peu flatteuse liste des pays membres qui ont retardé leurs consultations en vertu de l’article IV du Fonds, ou fait l’impasse sur leurs évaluations obligatoires de la stabilité financière pour une période dépassant 18 mois, en plus de la période régulière accordée, qui est de 15 mois. La Tunisie en fait bien partie. Explications.

Il s’agit d’une triste date pour le pays : ainsi pour la première fois depuis son adhésion en 1958, le Conseil du FMI a placé la Tunisie, le 5 janvier 2024, sur une liste dite « noire » ou « négative », aux côtés de pays tels que le Venezuela, le Yémen, la Biélorussie, le Tchad, Haïti ou encore la Birmanie. Cela fait suite au retard de la finalisation des consultations entre la Tunisie et les représentants du FMI, selon Mosaïque FM.

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Dans son rapport, le FMI explique que ce classement dans la liste négative est une résultante de facteurs multiples, dont « le retard pris dans les discussions avec les autorités des pays concernés sur les questions économiques et les politiques adoptées, la situation politique ou sécuritaire, voire un changement de gouvernement dans certains pays ou même des élections ou certaines décisions de changer les membres des gouvernements »… En clair, le FMI se réserve le droit aussi souverain que discrétionnaire de lister à sa guise les pays membres dans cette blacklist.

Les consultations au titre de l’article IV constituent pour rappel l’outil principal de la surveillance bilatérale, via un séjour d’une délégation du Fonds durant lequel ce dernier mène des discussions avec les représentants du gouvernement, mais aussi avec ceux du secteur privé, des syndicats et des organisations non gouvernementales ou universitaires. Une pratique devenue incompatible avec la politique souverainiste préconisée par le président Saïed et dont le credo est désormais ouvertement celui d’une chasse aux ingérences étrangères.

 

Le bailleur de fonds sanctionne les atermoiements

Car le FMI attribue par ailleurs ce retard à une demande des autorités de certains pays de reporter la réunion pour discuter de ce point « en raison de leur incapacité ou de leur préparation à accueillir une délégation du FMI » en raison de l’ordre du jour desdits gouvernements, en raison de l’absence d’accord sur les dates ou encore de l’absence de déclaration des autorités sur les dates de réception de la mission du FMI pour les consulter sur la base de l’article IV.

Or, cela semble être précisément le cas de la Tunisie. Fin 2023, une source du FMI avait annoncé le report de sa visite en Tunisie, qui était initialement prévue du 5 au 17 décembre 2023, pourtant à la demande des autorités tunisiennes. La même source a néanmoins confirmé aux médias tunisiens que le cadre de financement international reste prêt à entreprendre les consultations annuelles dans le cadre de l’article IV du FMI, concernant la revue de la performance économique tunisienne. Sauf que le report en question fut visiblement perçu comme celui de trop, et au final il se paye cash.

Une source de la Banque centrale tunisienne avait confirmé le report de cette visite, expliquant que les autorités tunisiennes et le FMI ont convenu de reporter la visite à « une date ultérieure qui sera déterminée en consultation entre les deux parties ».

Le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, Jihad Azour, avait annoncé une visite de l’équipe du FMI lors des réunions annuelles 2023 du Groupe de la Banque mondiale et du FMI, qui se sont tenues du 9 au 15 octobre 2023 à Marrakech, au Maroc.

Le gouvernement Hachani avait invoqué son engagement dans la préparation de la loi de finances 2024 et sa présentation au Parlement, pour justifier son incapacité à recevoir la délégation de consultations du FMI dans les temps, mais cela n’aura donc pas suffi.

Rappelons que les pourparlers entre la Tunisie et le FMI sur un nouveau programme de financement dans le cadre de l’instrument de soutien prolongé sont suspendus depuis plus d’un an. En octobre 2022, le FMI et le gouvernement tunisien étaient parvenus à un accord au niveau des experts pour soutenir les politiques économiques de la Tunisie par un programme de 48 mois intitulé « instrument de soutien prolongé », d’une valeur d’environ 1,9 milliard de dollars. Cependant, le dossier tunisien n’a pas été présenté au Conseil d’administration du FMI depuis cette date, autant dire sine die. Une situation qui rendra le recours aux emprunts encore plus difficile.

 

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Seif Soudani