Le général Khalifa Haftar sur la pente raide en Libye

 Le général Khalifa Haftar sur la pente raide en Libye

Le maréchal et commandant en chef de l’Armée nationale libyenne Khalifa Haftar. PANAYOTIS TZAMAROS / NurPhoto / AFP

Serait-ce la fin du général Haftar ? Les signes ne trompent pas, les informations qui remontent de Libye de jour en jour, aussi bien du terrain des opérations militaires où le maréchal autoproclamé subit revers sur revers, qu’au niveau de ses relations avec ses alliés, l’Égypte et les Émirats arabes unis, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour le militaire.  

Aux dernières nouvelles, l’échec militaire à Watiya du général Khalifa Haftar, qui n’a pu conserver le contrôle de la principale base militaire de l’ouest libyen, a accéléré la détérioration de ses liens avec son principal allié égyptien. Le Caire envisage de lui trouver un remplaçant à la tête de l’Armée nationale libyenne, tandis que le général pourrait subir d’autres revers dans le sud du pays.

A la tête de l’Armée nationale libyenne et malgré une aide logistique en matériel et le soutien de mercenaires à la solde des Emirats et de l’Arabie saoudite, les troupes de Haftar composées essentiellement de mercenaires de plusieurs pays, en particulier du Soudan, du Tchad et de la Russie subissent désormais échec sur échec et au sein même de l’état-major de l’Armée nationale libyenne, les discussions sur l’après-Haftar ont commencé sous la houlette de tout ce compte la Libye comme services secrets étrangers, à commencer par les services spéciaux égyptiens.

Débacle à Watiya

Sur le plan militaire, la débâcle militaire subie par les troupes du général le 18 mai dernier  a permis aux troupes loyalistes de reprendre la base militaire de Watiya. Cela fait d’ailleurs quelques mois de cela que l’option Haftar est débattue au sein des alliés du triptyque Égypte, EAU et Arabie saoudite qui ne sont en fait que les marionnettes du département d’Etat américain.

Les Occidentaux qui lorgnent sur le pétrole libyen s‘impatientent désormais de voir l’imprévisible général perdre sur tous les tableaux, alors que sur le plan diplomatique, les manigances du minuscule Etat des Émirats (malgré la manne des pétrodollars) pour imposer Haftar aux voisins algérien, tunisien et marocain se sont heurtées à un front du refus énergique et ce, en dépit de la divergence de vues de ces trois pays voisins sur l’issue de la crie libyenne.

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Sentiment d’échec pour l’offensive

L’offensive lancée le 4 avril 2019, avec le soutien des Emirats arabes unis et de l’Egypte a débouché sur un sentiment d’échec qui semble signer la fin du bouillant officier. L’autre maréchal (Sissi), dont l’amitié de circonstance avec Khalifa Haftar a permis à ce dernier de mettre à l’abri au Caire son épouse et sa fille, semble prêt à sacrifier cette amitié sur l’autel du pragmatisme qui impose de ne plus miser sur un looser.

C’est du moins ce qui ressort d’une énième réunion sur le sujet au Caire, comprenant le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, son ministre de la Défense, le directeur des renseignements généraux égyptiens, le général de division Abbas Kamel et le directeur des services de renseignements militaires, le général de division Khaled Megawer.

Si l’on peut comprendre le soutien du maréchal Sissi (à qui les Américains ont forcé la main) à Haftar, on comprend encore mieux la crainte de l’état-major égyptien de voir la Libye tomber entre les mains des Turcs en raison de ses relations tendues avec Ankara qui abrite un certain nombre des opposants les plus farouches d’Al-Sissi. Alors que malgré le soutien de nombreux pays européens, le Caire et Abou Dabi n’avaient pas réussi à imposer un embargo aérien sur la Libye afin de bloquer la voie devant l’intervention militaire turque.

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Des liens avec Washington

Dernier clou dans le cercueil de Haftar, les informations qui proviennent de Washington. Il faut savoir que Haftar qui fait partie des putschistes qui ont amené Kadhafi au pouvoir avait été recruté par la CIA pour renverser ce dernier durant les années 80, chargé par les États-Unis de commander au Tchad une « force Haftar » destinée à renverser Kadhafi en Libye,  il avait été exfiltré en urgence vers les États-Unis en 1990. Avant que l’« homme des Américains » qui n’avait aucun scrupule à émarger à Langley – le siège de la CIA – à continuer à travailler – sans succès – à permettre aux Américains de mettre la main sur Tripoli. Preuve que le militaire est fini, une plainte largement médiatisée a été acceptée contre lui à Washington.

En effet, le 18 février dernier, deux familles libyennes qui l’accusent d’avoir torturé certains de leurs proches ont saisi la justice américaine : « La torture a eu lieu  lors de l’opération Dignité, menée en 2014 à Benghazi, en Libye. Haftar et ses fils sont accusés d’avoir utilisé l’Armée nationale libyenne pour mener ‘une guerre aveugle contre le peuple libyen’ et d’avoir tué et torturé des centaines de personnes ‘sans aucune procédure judiciaire », explique The New York Times. «  Si c’est devant un tribunal américain que cette affaire s’ouvre, c’est en raison de son rôle d’agent de la CIA », ajoute le quotidien américain. Les jours de l’« incontrôlable », « despotique »,  ancien lieutenant de Mouammar Kadhafi, sont désormais comptés.

 

 

 

Abdelatif Elazizi