« Le juge permet à mon ex-mari dangereux de voir nos enfants, seul », Myriam, victime de violences conjugales

 « Le juge permet à mon ex-mari dangereux de voir nos enfants, seul », Myriam, victime de violences conjugales

Myriam*, devant le tribunal correctionnel de Créteil, en avril 2020.

En avril 2020, nous accompagnions au tribunal correctionnel de Créteil, Myriam*, maman d’une fille de 9 ans et d’un garçon de six ans, victime de violences conjugales depuis une dizaine d’années, pourtant divorcée en 2013 de son bourreau.

 

A l’issue de l’audience, l’homme écopait alors de douze mois de prison ferme. Une peine qui s’ajoutait aux autres. Son ex-mari a été libéré il y a quelques mois. Malgré la dangerosité de ce dernier, la juge des affaires familiales a estimé qu’il pouvait passer du temps seul avec ses enfants. Une décision que Myriam a du mal à comprendre.

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LCDL : Aujourd’hui, vous contestez la décision du juge des affaires familiales (JAF) qui permet à votre ex-époux condamné à plusieurs reprises par la justice de passer du temps seul avec vos deux enfants…

Myriame : Mon ex-mari a été condamné à dix reprises. En 11 ans, j’ai obtenu cinq ordonnances de protection, eu à disposition 2 téléphones grand danger. La reconnaissance par la justice de la grande dangerosité de mon ex-mari est donc clairement établie et pourtant, je subis encore aujourd’hui sa violence.

Pendant ces 11 années, j’ai eu jusqu’à 3 audiences par an devant le juge des affaires familiales. J’ai dû débourser 30 000 euros en frais d’avocat. A chaque fois que mon ex-mari a pu passer du temps avec ses enfants, il s’est comporté de manière violente avec eux. Un rapport d’expertise psychiatrique a dénoncé son état pathologique et lui interdit d’être seul avec les enfants. Et pourtant, aujourd’hui, le JAF, pour garder ce lien « si précieux » entre le papa et ses enfants, a décidé de lui accorder des temps de visite. C’est à n’y rien comprendre.

J’ai actuellement une ordonnance de protection qui lui interdit de s’approcher de nous. Malgré cela, le juge permet à mon ex-mari dangereux de voir nos enfants seul deux heures, un samedi sur deux. Dois-je rappeler qu’il a menacé de les brûler, de vendre mon fils à un homme dans la rue, qu’il lui a plusieurs fois fait prendre des douches froides en plein hiver ? Il a même menacé de partir avec eux à l’étranger et de ne plus jamais revenir en France. Mon ex-mari n’a jamais été leur père, il est juste leur géniteur.

 

Comment vont vos enfants aujourd’hui ?

Ils ne vont pas très bien, comme vous pouvez l’imaginer. Je ne suis pas certaine qu’ils arriveront à surmonter un jour leurs traumatismes. Mon fils s’est mal « développé », il a pris du retard sur sa croissance, il est souvent en colère et je m’inquiète beaucoup de sa violence. Quand j’étais enceinte de lui, mon ex-mari m’a étranglée. Il voulait nous tuer tous les deux. Depuis 3 ans, ma fille a des troubles digestifs et elle continue à faire des cauchemars, imaginant son père la frapper. Aujourd’hui, elle a peur des hommes.

 

Vous êtes aussi en colère contre une fonctionnaire de police qui a indiqué votre nouvelle adresse dans un procès verbal. Ce même procès verbal qu’a eu accès votre ex-mari.

Effectivement. Quand je suis allée déposer plainte, la policière, pourtant « référente violence conjugale » au commissariat, a indiqué dans le procès verbal, non seulement ma nouvelle adresse, mais aussi mes digicodes, mon étage, mon numéro de porte. Manquait plus que le code de ma carte bleue !, alors qu’elle était au courant de ma situation. Résultat, mon ex-mari qui a eu accès à mon PV sait où je vis. Normalement, dans les affaires de violences conjugales, la victime est domiciliée soit au commissariat, soit chez son avocat.

Tout le monde autour de moi avait gardé secrète mon adresse sauf ceux censés me protéger ! Cette autre injustice, cette violence institutionnelle vient se rajouter à mes violences conjugales. Bien entendu, je ne compte pas en rester là et je vais lancer une procédure contre cette fonctionnaire de police. J’espère qu’elle comprendra qu’elle a des vies entre ses mains et pas seulement un bout de papier dans lequel elle relate des faits graves.

 

Vivez-vous sereinement aujourd’hui ?

Nullement. Je ne fais ni confiance à la police qui dévoile indirectement mon adresse à mon ex-mari qui désire me tuer ni à la justice qui livre mes enfants à leur bourreau.
Je suis constamment sur mes gardes, quand je fais mes courses, quand je sors les poubelles, quand je traverse la rue. C’est invivable…

 

Vous dites que ce n’est pas un hasard si vous êtes tombée sur un homme violent…

Oui… J’ai essayé de comprendre comment j’ai pu en arriver là, moi, une parisienne qui a fait des études supérieures, qui a un bon travail, un bel appartement. Comment j’ai pu tomber sur un homme aussi violent ? Un prédateur, un drogué, un alcoolique… Dès le début, j’ai accepté l’inacceptable, toléré la première insulte, la première gifle…

Sous emprise, j’ai tout pardonné. Mon niveau de tolérance à été beaucoup trop élevé, peut-être parce que je suis fille et petite fille de femme battue et que du temps de nos parents, il ne fallait pas divorcer, se taire et vivre avec…
Aujourd’hui, je souhaite casser cette transmission inter-génerationnelle de la violence conjugale. Je ne veux surtout pas que ma fille, aujourd’hui âgée de 10 ans, soit à son tour victime de violences conjugales.

* Le prénom a été modifié.

 

Le 3919 pour les femmes victimes de violence accessible 24h/24 et et 7 jours sur 7. Cliquer ici, pour plus d’informations.

 

Nadir Dendoune