Les Tunisiens préoccupés par la dégradation de la qualité de l’eau potable

 Les Tunisiens préoccupés par la dégradation de la qualité de l’eau potable

Le malheur des uns fait le bonheur des autres, comme dit l’adage : au moment où l’Etat peine à garantir le droit à une eau potable de qualité et en quantité suffisante, le secteur des eaux minérales connaît une prospérité sans précédent, notamment d’après une étude du Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES).

Fin mars 2023, déjà en bonne voie, les autorités avaient décrété de façon officielle le rationnement de l’eau potable sur l’ensemble du pays jusque la fin du mois de septembre. Si la mesure a été appliquée de façon plutôt confuse et erratique, avec des heures de coupure nocturne changeant constamment selon les régions, la Société nationale de distribution et d’exploitation des eaux (Sonede) semble avoir tenu parole : en ce début du mois de septembre, nombreuses sont les zones où les habitants rapportent un retour progressif à la normale, sans coupures, même si la Sonede communique toujours aussi mal et aussi peu sur la possibilité d’un renouvellement du rationnement après examen de la situation des réserves à la fin du mois.

Mais dans un rapport intitulé « Une politique improvisée pour arrêter la surexploitation des eaux : des licences sont accordées aux entreprises de mise en bouteille d’eau et refusées aux agriculteurs », revenant entre autres sur le limogeage intempestif par le président de la République, Kais Saied, le 20 juillet dernier, de Mosbah Helali de son poste de PDG de la Sonede, le Forum précise que les ventes d’eau en bouteille ont connu une croissance contingente significative, passant de 879 millions de litres en 2010 à 3 275 millions de litres en 2022.

Cela représente la vente de 676 millions de bouteilles par an, et place la Tunisie au 4ème rang mondial en termes de consommation d’eau minérale par habitant, selon le site “World Pollution Review”, cité dans le rapport.

 

Qualité de l’eau potable en net déclin

Cependant la Tunisie occupe aujourd’hui le 75ème rang mondial en termes de qualité de l’eau, sachant que 20% de citoyens tunisiens sont menacés par la pollution de l’eau, d’après la même source. Si la première unité de production d’eau minérale en bouteille a été créée pour rappel en 1963 à Nabeul, le nombre de ces unités s’élève désormais à 30, réparties dans 13 gouvernorats du pays dont 6 à Kairouan, 5 à Zaghouan, 4 à Siliana et 3 à Sidi Bouzid.

Selon le Forum, « parallèlement à la croissance rapide du nombre d’entreprises privées d’embouteillage d’eau, les services publics ont connu une détérioration considérable, particulièrement en ce qui concerne la qualité de l’eau potable distribuée par la Sonede ». Ainsi des échantillons prélevés récemment ont révélé que ces eaux ne sont pas conformes aux normes en ce qui concerne leur composition bactériologique qui passant de 9,9% en 2019 à 10,1% en 2020.

L’infrastructure vétuste du réseau de distribution cause par ailleurs une pollution induite par la pression au moment du retour quotidien de l’eau post coupures.

C’est bien la médiocrité de la qualité de l’eau en Tunisie et la crainte de la contamination ont poussé les Tunisiens à recourir aux eaux embouteillées, au point que la consommation moyenne d’eau en bouteille par personne a atteint 227 litres par an. Le FTDES relève en outre un paradoxe : l’Etat prône l’économie de l’eau, tandis qu’il collabore dans même temps au gaspillage des ressources hydriques, en accordant de nouvelles autorisations aux investisseurs du secteur de l’eau.

« Cette patente contradiction menace le droit de tous les citoyens à l’eau, tel que stipulé dans la constitution tunisienne », selon le Forum. Le FTDES estime enfin que « le désengagement de l’Etat en ce qui concerne l’amélioration de la qualité de l’eau potable, ainsi que l’octroi d’autorisations aux investisseurs du secteur des eaux conditionnées, ont accentué la crise de l’injustice hydrique en Tunisie » et porté préjudice au budget des ménages déjà grandement impactés par l’inflation.

 

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Seif Soudani