Matériel militaire vers Israël : la France accusée de complicité dans un génocide en cours

 Matériel militaire vers Israël : la France accusée de complicité dans un génocide en cours

Fos-sur-Mer, terminal à conteneurs du port de Marseille-Fos. En juin 2025, les dockers de la CGT y bloquent des cargaisons d’armement à destination d’Israël, dénonçant l’implication de la France dans le conflit à Gaza. (Photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Deux cargaisons de matériel militaire destinées à Israël ont été bloquées ces deux derniers jours au port de Fos-sur-Mer par les dockers de la CGT, relançant une vive controverse sur les exportations d’armes françaises et l’implication présumée de l’État dans le conflit israélo-palestinien. Les révélations de Disclose et MarsActu pointent du doigt plusieurs entreprises françaises, et Amnesty International alerte désormais sur le risque juridique et moral que court la France : celui de devenir complice d’un génocide.

Selon les médias indépendants, le navire Contship Era devait embarquer du matériel de guerre fabriqué par la société Eurolinks, notamment des maillons de munitions destinés à accroître la cadence de tir des armes légères. Une seconde cargaison, immobilisée ce 5 juin, aurait été composée de tubes de canon produits par l’entreprise Aubert et Duval.

« Les autorités françaises ont l’obligation légale de tout mettre en œuvre pour tenter d’arrêter le génocide en cours à Gaza », a déclaré Anne Savinel-Barras, présidente d’Amnesty International France. « Si la France continue à autoriser la livraison de matériel de guerre à Israël, elle alimente ce génocide. »

La position officielle de la France est pourtant claire : aucune arme française ne doit être utilisée dans les territoires palestiniens. Mais les récentes enquêtes de Disclose et MarsActu révèlent une tout autre réalité, mettant en lumière un fossé entre la rhétorique politique et les pratiques industrielles.

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Depuis octobre 2023, plusieurs livraisons d’armement à destination d’Israël auraient déjà eu lieu, dans un flou total sur leur nature exacte, leur utilisateur final ou leur usage prévu. Le rapport annuel du ministère des Armées sur les exportations d’armes est lui-même critiqué pour son manque de transparence et sa publication tardive, empêchant toute supervision démocratique en temps réel.

Les accusations portées sont graves. Si les transferts d’armes vers Israël se poursuivent dans le contexte actuel de conflit, la France pourrait se voir accusée de complicité de génocide, un crime lourdement sanctionné par le droit international. La Convention des Nations unies sur la prévention et la répression du crime de génocide engage en effet ses signataires à ne pas fournir de soutien direct ou indirect à des actions potentiellement génocidaires.

Amnesty International exhorte la France à imposer immédiatement un embargo total sur les armes destinées à Israël, à coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale (CPI), et à appuyer les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) concernant les crimes présumés commis à Gaza.

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Dans ce contexte, l’action des dockers de la CGT au port de Fos-sur-Mer prend une dimension politique et morale. En refusant de charger les cargaisons incriminées, ces travailleurs ont mis un coup de projecteur sur des opérations habituellement tenues à l’écart de l’attention publique. Amnesty salue cette initiative comme un acte de « résistance éthique ».

La polémique pourrait forcer le gouvernement à revoir sa politique de transfert d’armement. Plusieurs voix s’élèvent au sein de la société civile et parmi les ONG pour demander une réforme profonde des mécanismes de contrôle, un renforcement de la transparence et une véritable reddition de comptes.

Pour l’heure, l’Élysée n’a pas officiellement réagi à ces nouvelles révélations. Mais à mesure que les faits s’accumulent, la pression s’intensifie : en autorisant ces exportations, la France risque de franchir une ligne rouge, non seulement juridique, mais aussi morale.

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