La chronique du Tocard. L’amour en voyage

 La chronique du Tocard. L’amour en voyage


 


Caroline avait attendu que je sorte de la chambre d’hôtel faire des courses pour filer à son tour. Avant de partir, elle avait déposé sur mon lit, bien en évidence, ce petit bout de papier, en guise d’adieu. « Nadir, pardonne-moi, mais je ne suis pas bonne pour les au-revoir. Profite de ta vie, comme tu sais si bien le faire. Merci pour tous ces moments. Amour toujours, Caroline ».


 


Pendant près de trois heures, j’avais essayé de la retrouver, m’arrêtant à chaque station de bus de la ville. Caroline devait quitter Delhi vers 22h. Nous étions en 2001 et l’année se terminait pour nous deux quelque part en Inde.


 


J’avais retrouvé son message, perdu au milieu d'autres papiers et de cartes postales, tous me rappelaient les heures les plus love de mon histoire.  J’avais décidé une bonne fois pour toute de faire le tri dans mes affaires qui avaient un lien direct avec ma vie affective. Je tenais le mot de Caroline dans mes mains et j'étais nostalgique de ce temps où je n'avais pas eu peur d'aimer de toutes mes forces.



Dans ce petit resto de Delhi qui ne payait pas de mine en apparence et où je dînais tout seul, Caroline, exceptionnellement belle, restait debout à me regarder hésitant à me demander si elle pouvait s'asseoir. Elle, une Néo-zélandaise, de longs et beaux cheveux bruns, des atouts féminins de grande classe, pas très grande, juste la taille qu’il faut pour éviter les complexes de part et d'autre, parcourait le monde en avion, en train et en autobus, fuyant sa réalité.


 


Un voyage autour du monde qu’elle avait entrepris il y a un an et dont elle ne connaissait pas l'issue. Elle avait claqué la porte de son boulot du jour au lendemain, un bon job où elle gagnait pourtant bien sa vie mais qui l'ennuyait profondément, dit merde à son mec parce qu'enfermée dans cette relation qui ne lui apportait plus rien, un Jules qui prenait pour acquis son amour et qui avait oublié que sans soleil, les fleurs perdent de leurs éclats, rendu un appartement avec des voisins, certes sympathiques, qui passaient même de temps en temps prendre un verre mais avec lesquels elle n'avait aucune affinité.


 


Bref, la vie, la sienne, n’avait plus de sens. A presque 30 ans, il fallait qu’elle parte, avant qu’il ne soit trop tard. Qu'elle aille enfin vivre ses rêves …



Moi, de mon côté, j'étais pas tout à fait seul.  Accompagné de ma bicyclette, j’avais quitté il y a quelques mois Sydney et l’Australie, ses plages, le soleil, le paradis sur Terre, pour rejoindre à vélo la France, mon chez moi, un pays que je n'aimais pas, qui ne m'aimait pas non plus, et que j’avais tellement peur de retrouver après un si long exil de huit ans au pays des kangourous. Je profitais pleinement de ce voyage où je me sentais totalement libre.



Caroline m'avait remarqué au loin. J'étais le seul Blanc à l'horizon et elle s'était approchée timidement.  Elle avait surtout remarqué ma dégaine de sportif : je portais des vêtements de cyclistes de toutes les couleurs et elle me trouvait drôle et aussi beau parce qu'elle avait décidé que ce serait moi. 



Caroline était à Delhi pour trois petits jours puis s’en irait ailleurs, un peu plus vers le Nord, plus haut dans les montagnes indiennes, alors on avait compris sans se le dire que s'il fallait s'aimer, il fallait le faire sans plus attendre. Je venais d'arriver dans la capitale indienne après de longues semaines à voyager à travers le pays et j'avais besoin du repos du guerrier… Avec Caroline, il avait fallu le temps d'une étincelle pour se plaire : sa seule présence avait suffi à foutre le feu à mon cœur.


 


Après le dîner, elle était repartie dans son hôtel chercher ses affaires et m'avait rejoint. Dans ma chambre, on était resté en silence pendant de longues minutes à se parler juste avec les yeux. La chaleur de nos corps allait faire le reste. Quelle nuit …



Au matin, Caroline qu'un léger drap recouvrait, laissant deviner ses belles formes, vint se coller à moi. Je t'aime, me souffla-t-elle alors à l'oreille. Je répondis Idem et en anglais ça donnait I love you. On se connaissait à peine mais nos coeurs n'en faisaient qu'à leurs têtes et ils n'avaient pas eu besoin de la nuit des temps pour se trouver. On n'avait plus peur de se laisser envahir par les sentiments. L'amour, c'était maintenant ou jamais.



On vivait notre histoire à toute allure, sans peur, sans gêne, sans honte, aidé par le fait de savoir que la fin était proche. Dans 48 heures maintenant, chacun irait de son côté. Alors, on profitait de chaque instant. On avait même pris le temps d'aller voir un match de cricket : l'Inde à domicile affrontait l'Angleterre. La fin de la rencontre avait été houleuse alors que les Britanniques avaient remporté la partie. J'avais dû repousser plusieurs types qui s'étaient rués sur Caroline… Elle s'était réfugiée dans mes bras.



Le jour de son départ, elle était triste. Elle riait beaucoup moins, semblait presque éteinte, comme assommée. Pourtant, elle s'était préparée à nos adieux, m'avait répété la veille qu'elle profiterait jusqu'au dernier moment de nous deux et puis la vie nous réservait peut-être de bonnes surprises, disait-elle.  Elle essaierait de venir prochainement à Paris.



Vers 18h, je sortis faire un tour. Je voulais lui acheter un cadeau pour qu'elle m'emporte avec elle. Je lui avais demandé d'attendre, que je n'en avais pas pour longtemps, et promesse était faite que je l'emmenerai moi-même à la station d'autobus. En guise de réponse, elle avait souri. J'aurais du m'en douter. A mon retour, Caroline s'était évaporée.



Je repensais à elle. Où était-elle ?  Était-elle toujours en voyage ? Avait-elle fini par se poser ? Vivait-elle ses histoires d'amour avec la même intensité ?  Avec la même insouciance ? Sans doute que non. Et moi aussi … Et c'était bien dommage …


 


 


Nadir Dendoune


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Nadir Dendoune