Tunisie. « La révolution est toujours en marche »

 Tunisie. « La révolution est toujours en marche »

Un an après le début d’une révolution qui changea la face du pays

Pour ce premier anniversaire de la révolution tunisienne, une « marche pour les libertés » a été organisée à Paris par un collectif d’associations. Plusieurs centaines de personnes ont battu le pavé pour rendre hommage aux martyrs et rappeler qu’il faut « rester vigilant ».


« Ni Qatar, ni USA, le peuple tunisien est libre ! », scandent les 500 à 800 personnes place de la République à Paris. À l’initiative de la société civile tunisienne, une marche pour les libertés était organisée ce samedi après-midi.

Un an après le début d’une révolution qui changea la face du pays, les Tunisiens de France se sont donnés rendez-vous pour rappeler que le combat ne fait que commencer.

« Nous sommes là avant tout pour célébrer la révolution tunisienne, pour commémorer, mais aussi montrer que nous restons vigilants. Hors de question de laisser s’installer une nouvelle dictature », prévient Dounia, drapeau tunisien enroulé autour de la taille.

À l’avant, un grand drapeau national est déroulé. Tout autour les gens affluent. L’hymne national est repris par la foule. Ambiance festive sur fond de slogans libertaires, la marche peut débuter.

Les jeunes trustent les premières places. Quelques anciens ont rejoint la manifestation. Le débat fait rage. Certains s’inquiètent de voir « Ennahdha s’attaquer aux libertés » quand d’autres préfèrent tempérer, « Il faut du temps, la Tunisie est dans une bonne dynamique », affirme Mounir, père de famille de 45 ans.

Le mégaphone s’allume. Les Ben Ali et Trabelsi en prennent pour leur grade. Un jeune homme, drapeau tunisien dessiné sur le front tient une pancarte dans ses mains : «  Réveille-toi, la dictature peut revenir ».

 

Entre crainte et optimisme

En tête de cortège, chachia vissé sur la tête, Houda Zekri donne de la voix. Membre du collectif 3C (Collectif Culture Création Citoyenneté) à l’initiative de cette marche, elle ne cache pas son inquiétude : « Nous restons en alerte. Les sbires de Ben Ali sont toujours dans les rouages du pouvoir. En 2011, c’était dégage ; en 2012, ça sera engage ».

Bien qu’heureuse du virage libertaire qu’a pris son pays l’an dernier, Houda n’en reste pas moins très méfiante, surtout vis-à-vis du parti majoritaire : « Ennahdha commence à grignoter les libertés. Ils ont convoqué le président d’une université pour qu’il s’explique sur l’art figuratif et le nu. Les forces progressistes de gauche ferment les yeux et les suivent pour récupérer des places. Il faut en finir avec l’alliance stratégique ». « La révolution est toujours en marche », assure-t-elle.

Un peu plus loin, une jeune fille du collectif « Génération Jasmin » se veut rassurante : « Ce sont les Tunisiens qui se sont battus pour obtenir leur liberté. Ils ne laisseront pas une autre dictature revenir au pouvoir ».

Cette marche a été organisée avec les moyens du bord, sans aucun appui politique, pourtant de nombreux partis ont fait le déplacement. Des représentants du CPR, du Pôle démocratique moderniste et même d’Ennahdha sont au rendez-vous.

Karim Azouz, porte-parole du parti islamiste au pouvoir ne veut pas entendre parler de récupération, « Nous sommes là car cette journée est à marquer d’une pierre blanche dans l’Histoire de la Tunisie. C’est le départ d’une nouvelle époque, nous nous devions d’être là aujourd’hui ».

Les manifestants continuent de donner de la voix. « Liberté, liberté, liberté ». Derrière une grande banderole, Mourad Zeghidi participe à l’événement. Le journaliste du service des sports de canal+ est venu avec femme et enfants. « La « politique politicienne » actuelle en a déçu quelques-uns mais on a oublié l’essentiel. Il y a 13 mois, on ne pouvait même pas s’exprimer, il y avait des portraits de Ben Ali partout », souligne-t-il à juste titre avant d’osciller entre crainte et espoir : « On reste vigilants et mobilisés, mais je suis optimiste pour la suite ».

Devant lui, plusieurs jeunes s’agacent, déçus « par un gouvernement qui n’a encore rien fait pour lutter contre le chômage ». Juste derrière, Hamid, 28 ans, tient sa pancarte à bout de bras : « On attendait que le gouvernement trouve un boulot pour le peuple, c’est le peuple qui lui a trouvé un boulot ».

Jonathan Ardines

Jonathan Ardines