Pénuries en carburant : les Tunisiens entre dépit et normalisation

 Pénuries en carburant : les Tunisiens entre dépit et normalisation

Il n’est pas rare que des bagarres éclatent entre automobilistes à bout de nerfs après plusieurs heures d’attente aux abords des stations-service

Au moment où les files d’attente monstres devant les stations-service paralysent le quotidien des Tunisiens, spécialement dans le Grand Tunis où les pénuries de carburant s’éternisent depuis plusieurs jours consécutifs, nombreux sont les automobilistes résignés qui se sont résolus à changer de mode de transport.

 

Après un mutisme de près de 48 heures autour de ce nouvel épisode de pénuries en carburant, le gouvernement Najla Bouden fut visiblement contraint à s’exprimer sous la pression de l’opinion publique partagée entre colère et incompréhension, via la ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Neila Nouira.

La responsable explique que 5 000 mètres cube de carburant ont été fournis aux stations essence en fin de semaine dernière, et qu’un stock de 550 mètres cube couvrant entre 3 et 5 jours de consommation dans les stations de service Agil (appartenant à l’Etat), a été épuisé en seulement 6 heures. « Au lieu de se contenter de ses besoins habituels, l’usager, en panique, fait systématiquement le plein », déplore-t-elle.

Sans vraiment convaincre, le porte-parole du gouvernement Nasreddine Nsibi reprenait hier mardi à son tour cette explication unique focalisée sur la frénésie des consommateurs, au lendemain des départs des fêtes du Mouled, coupables à eux seuls ou presque de cette situation. Un état de déni qui ne résiste pourtant pas longtemps à l’épreuve des faits.

 

Des réserves stratégiques à un niveau historiquement bas

« La Tunisie ne dispose que d’une quantité d’essence suffisante pour une semaine », avait en effet déclaré dès le 10 octobre, Salouan Smiri, un haut responsable de la section pétrole du syndicat UGTT, citant une source officielle.

Par souci de transparence, la ministre de l’Energie fait le tour des radios nationales assurant que des navires, un temps incertains, ont finalement pu décharger leur cargaisons dans le port de Radès. C’est bien là que réside le principal problème pour l’opposition et la plupart des économistes : la dégradation de la note souveraine du pays a échaudé de nombreux fournisseurs qui jadis avançaient leur marchandises à la Tunisie avant paiement, mais ne prennent plus ce risque désormais.

Nous apprenions en début de semaine que le plus grand pétrolier à avoir déchargé à Bizerte permettrait un sursis de quelques jours supplémentaires d’approvisionnement, portant à entre 10 et 14 jours au total le stock de réserve, « contre les 60 jours habituels de réserves stratégiques », a révélé la même source syndicale.

Avant l’obtention que l’on pense imminente d’un nouveau prêt du Fonds monétaire international, la Tunisie était déjà confrontée à des pénuries de nombreux produits alimentaires importés mais aussi d’autres produits subventionnés, sur fond de crise des finances publiques. Mais le gouvernement Bouden continue de nier qu’il fait face à des difficultés pour payer les importateurs de marchandises dont l’essence, la farine et le sucre, imputés par Carthage aux seules manigances des spéculateurs internes ainsi qu’à la situation mondiale.

Une délégation tunisienne s’est envolée samedi 8 octobre pour Washington en vue de parachever les négociations avec le FMI autour d’un nouvel accord financier. Mais depuis, peu d’informations ont filtré sur l’état d’avancement de ces pourparlers, même si les chances d’obtention d’un déblocage restent élevées.

 

Seif Soudani