Ahmed Yanouri : »Eduquer les Américains »

 Ahmed Yanouri : »Eduquer les Américains »


Docteur en biologie moléculaire, Ahmed Yanouri n’en est pas moins devenu un homme d’affaires confirmé. A la tête de deux hôtels dans le Texas, il s’active sur place pour le Maroc en sensibilisant les Américains à la culture arabo-musulmane. 


Au début des années 1980, alors que la majorité des Marocains se dirigeait vers l’Europe pour y suivre des études ou y travailler, vous avez opté pour les Etats-Unis, pourquoi ce choix ?


J’ai toujours eu un côté aventurier, je voulais découvrir radicalement autre chose. J’avais fait toute ma scolarité à Berkane, ma ville natale, et mes études supérieures à Rabat. En 1983, j’y ai obtenu une licence en biologie-géologie, et ensuite j’ai eu envie de faire le grand saut. J’avais un ami, chef de cuisine à Dallas, qui me poussait à venir aux Etats-Unis, c’est ce qui m’a finalement décidé.


 


Vous avez découvert le rêve américain ?


Pas vraiment. Tout le monde disait que c’était facile, que l’Amérique était la terre des opportunités, mais ça ne tombe pas tout cuit dans la bouche, il faut travailler pour ça. Je ne parlais pas la langue et les études étaient très chères. Comme je n’avais pas de bourse, j’ai dû travailler tout en menant mes études de front. J’étais employé comme serveur dans un restaurant, et parallèlement je préparais un doctorat en biologie moléculaire que j’ai validé en 1990.


 


Vous avez commencé à travailler dans le domaine de la recherche avant de vous tourner vers le secteur privé.


Pendant trois ans, j’ai travaillé sur un projet de biologie moléculaire puis j’ai créé ma première société avec un associé nigérian. On voulait se tourner vers l’Afrique afin de souder les deux pays pour faire du business mais ça n’a pas fonctionné. On a ensuite monté Yaga Medical, qui se spécialisait dans la consultation, le marketing, ainsi que la vente de médicaments et d’équipements pour la recherche scientifique. En même temps, je continuais d’enseigner à mi-temps à l’université.


 


Grâce au succès de votre entreprise, vous avez décidé d’acquérir un hôtel.


Oui, avec mon épouse et un ami nous avons acheté notre premier hôtel dans la banlieue nord de Dallas. Nous avions un restaurant de cuisine marocaine qui marchait très bien dans ce complexe. Je gardais un pied dans le domaine scientifique car je prenais plaisir à donner mes cours. En 2003, j’ai du arrêter car l’hôtellerie réclamait plus de présence de ma part. Ensuite, nous avons bâti un nouvel hôtel, proche du stade de football américain.


 


Homme d’affaires accompli, vous œuvrez également pour la communauté marocaine aux Etats-Unis.


On a créé un mouvement qui regroupe plusieurs associations marocaines. L’idée est de renforcer les relations bilatérales entre les deux pays, ainsi que les échanges culturels et scientifiques. A Dallas, nous avons organisé un festival pour lequel nous avons reconstitué un village marocain. On a fait venir des artisans et des musiciens de notre pays afin de promouvoir le Maroc. Le festival a duré deux semaines et a rencontré un grand succès. Enfin, et pour en finir avec les généralités sur les musulmans, nous avons décidé d’éduquer les Américains. On a mené un voyage d’études au Maroc pour les enseignants, en s’arrêtant à Rabat, Casablanca… A leur retour, ils ont admis que tout ce qu’ils avaient appris jusqu’alors était faussé. Des Américains qui ont vécu trois semaines dans notre pays et qui n’en disent que du bien, ça vaut plus que mon discours ou celui de n’importe quel Marocain ! 


MAGAZINE OCTOBRE 2017

Jonathan Ardines